Sâil a toujours Ă©tĂ© confrontĂ© aux difficultĂ©s Ă©conomiques de leurs locataires et Ă la difficultĂ© dâobtenir des garanties qui soient les plus efficaces possibles, le bailleur de locaux commerciaux Ă©prouve aujourdâhui des difficultĂ©s grandissantes pour obtenir le rĂšglement des sommes qui lui sont dues, et ce, au terme de procĂ©dures judiciaires souvent de plus en plus longues.
Il est donc toujours aussi primordial pour le bailleur de disposer, en ces temps Ă©conomiques difficiles, dâune sĂ»retĂ© lui garantissant le paiement rapide des sommes qui lui seront dues, en cas de dĂ©faillance de son locataire.
Si la caution bancaire est devenue depuis longtemps la garantie la plus souvent rĂ©clamĂ©e par les bailleurs lors de la conclusion dâun bail commercial, en raison notamment de la solvabilitĂ© de lâĂ©tablissement bancaire qui sâengage, lâefficacitĂ© de cette sĂ»retĂ© est parfois remise en cause. En effet le bailleur attend de sa caution bancaire dâĂȘtre rĂ©glĂ© des impayĂ©s de loyers de son locataire, dĂšs la mise en Ćuvre de sa garantie, et sans avoir Ă souffrir de contestation.
A cette fin, les actes de cautionnement prĂ©voient gĂ©nĂ©ralement une traditionnelle clause de renonciation au bĂ©nĂ©fice de discussion et de division mais aussi lâengagement solidaire de la caution, qui permet au crĂ©ancier bailleur dâagir directement Ă son encontre.
Pourtant, dans la pratique, des Ă©tablissements bancaires refusent, de plus en plus frĂ©quemment, dâexĂ©cuter leur engagement de caution en arguant simplement de « lâopposition » ou du « refus » de leur client, sans autre forme dâexplication.
Une telle position peut surprendre.
Dâune part, il est Ă©tonnant que des Ă©tablissements bancaires risquent dâengager leur responsabilitĂ© personnelle pour ne pas froisser leurs clients.
En effet, si la renonciation au bĂ©nĂ©fice de discussion et de division nâinterdit pas Ă la caution dâopposer au bailleur toutes les exceptions qui appartiennent au locataire, dĂ©biteur principal, et qui sont inhĂ©rentes Ă sa dette, celle-ci doit expressĂ©ment indiquer le ou les motifs justifiant son refus dâexĂ©cuter son engagement.
La jurisprudence considĂšre ainsi, de maniĂšre constante, que lorsque la rĂ©sistance opposĂ©e par la caution au paiement de sa dette ne repose sur aucun argument sĂ©rieux, elle relĂšve de la mauvaise foi et prĂ©sente un caractĂšre abusif justifiant sa condamnation au versement de dommages et intĂ©rĂȘts (Cass. Com. 20/12/1982, n°81-12.579).
Lorsquâelle est actionnĂ©e, la caution doit donc, en principe, rĂ©gler sans dĂ©lai les sommes dues au bailleur, dans la limite de sa garantie, sans pouvoir exiger aucune recherche ou vĂ©rification quant Ă lâexĂ©cution du contrat de bail, Ă moins quâun motif lĂ©gitime lâen empĂȘche.
La simple opposition du locataire-débiteur ne peut donc justifier, en aucune façon, un refus de paiement de la caution.
A lâinverse, la caution qui exĂ©cute son engagement ne peut pas voir sa responsabilitĂ© engagĂ©e Ă moins quâil soit dĂ©montrĂ© quâelle avait connaissance du caractĂšre manifestement abusif de lâappel de la garantie.
Dâautre part, le refus de la caution dâexĂ©cuter son engagement retire Ă son cautionnement une partie de son efficacitĂ© puisque le bailleur ne sera finalement rĂ©glĂ© de sa crĂ©ance quâĂ lâissue de la procĂ©dure judiciaire quâil va engager, et donc seulement au bout de plusieurs semaines ou mois.
Si le prĂ©judice causĂ© au bailleur peut ĂȘtre rĂ©parĂ© par lâoctroi de dommages et intĂ©rĂȘts, celui-ci semble, en pratique, prĂ©fĂ©rer exiger la fourniture de cautions bancaires Ă©manant dâĂ©tablissements plus respectueux de leurs engagements ou pour des montants plus Ă©levĂ©s.
Au final, lâattitude de ces Ă©tablissements bancaires cause prĂ©judice aux locataires qui se trouvent contraints de fournir des garanties sans cesse plus importantes aux bailleurs afin de pouvoir prendre Ă bail des locaux commerciaux.
AUTEUR
Nelson Segundo
Avocat associĂ© – Racine, cabinet d’avocats