Le nouveau PEL est-il un bon plan ?

La rĂ©forme du plan d’Ă©pargne logement (PEL), intervenue au 1er mars, tente de redorer le blason d’un produit dĂ©laissĂ© au fil des ans. Le rendement sera plus intĂ©ressant mais les contraintes plus nombreuses.
Depuis le 1er mars, le plan d’Ă©pargne logement (PEL) est disponible dans sa nouvelle version. Il Ă©tait temps ! Jadis, le PEL faisait partie de la panoplie de base de toutes les familles d’Ă©pargnants, au mĂȘme titre que le livret A ou l’assurance-vie. Mais il ne fait aujourd’hui plus recette. La preuve : son encours est passĂ© de 227 milliards d’euros Ă  2005 Ă  176 milliards en 2009.

Comment en est-on arrivĂ© lĂ  ? En rĂ©alitĂ©, le PEL a Ă©tĂ© totalement dĂ©voyĂ© de son but premier – la constitution d’un capital pour acheter un logement – pour devenir la tirelire idĂ©ale pour rĂ©munĂ©rer son argent Ă  moyen terme sans risque. Il faut dire que, entre la mi-1986 et la mi-1999, il offrait en effet des taux d’intĂ©rĂȘt trĂšs attrayants de 4 % Ă  6 % selon la date d’ouverture.

Dans les annĂ©es 2000, le gouvernement avait dĂ©jĂ  tentĂ© de rendre ses lettres de noblesse Ă  ce produit, en conditionnant le versement de la prime d’État des PEL, ouverts aprĂšs le 12 dĂ©cembre 2002, au fait de prendre le crĂ©dit Ă©pargne logement, associĂ© au PEL. Il a ensuite dĂ©cidĂ© de laisser le taux de rĂ©munĂ©ration du PEL inchangĂ©, Ă  2,5 % depuis le 1er aoĂ»t 2003. Alors que le taux d’intĂ©rĂȘt du livret A subissait, en presque huit ans, onze rĂ©ajustements pour suivre l’Ă©volution de la conjoncture financiĂšre.
Une stratĂ©gie qui a fini par dĂ©tourner les Ă©pargnants de ce produit simple Ă  ouvrir, disponible dans toutes les banques, imposant un petit montant Ă  l’ouverture (225 euros), des versements rĂ©guliers relativement faibles (540 euros par an, soit 45 euros par mois minimum), et disposant d’un plafond de versement Ă©levĂ© (61.200 euros).

Accompagnement Ă  l’achat

La nouvelle mouture du PEL a pour but « de lui permettre d’accompagner les consommateurs dans la prĂ©paration d’un achat immobilier », comme l’a prĂ©cisĂ© Christine Lagarde avant le vote de la loi de finances pour 2011. « La Tribune » a pointĂ© et analysĂ© les principaux changements de la rĂ©forme. Bilan ? Peu de changements positifs, du moins pour cette annĂ©e, mais une kyrielle de contraintes supplĂ©mentaires (voir ci-dessous).

En outre, le taux du crĂ©dit immobilier que l’on obtient en fermant son PEL n’est pas compĂ©titif Ă  l’heure actuelle : « Il se situe Ă  4,2 % alors que, aujourd’hui, les taux d’emprunt sur le marchĂ© tournent autour de 4 %, prĂ©cise MaĂ«l Bernier, porte-parole d’Empruntis.com. Mais ce taux de 4,2 % pourrait redevenir intĂ©ressant si les taux d’intĂ©rĂȘt continuent d’augmenter. En 2008, ils ont atteint entre 4,8 % et 5,5 %. »
Sauf qu’avec cette nouvelle version du PEL, le taux d’emprunt sera toujours supĂ©rieur de 1,7 point au taux de rĂ©munĂ©ration. Traduction ? Si l’Ă©pargne continue d’ĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ©e Ă  2,5 % (voir ci-dessous), le taux du prĂȘt restera Ă  4,2 %. Voire plus pour peu que les taux interbancaires viennent Ă  remonter, ce qui est fort probable.
La vraie bonne nouvelle concerne finalement le rendement de ce produit, qui devrait, Ă  moyen terme, rapporter au moins autant que les fonds en euros des contrats d’assurance-vie.
Et c’est bien lĂ  que le bĂąt blesse. Si le PEL retrouve son lustre d’antan uniquement grĂące Ă  sa fonction de produit d’Ă©pargne, il sera une fois de plus dĂ©voyĂ© de son but initial. Et la boucle sera bouclĂ©e…

4 changements importants

1 – La rĂ©munĂ©ration changera dĂ©sormais chaque annĂ©e

Bonne nouvelle : dĂ©sormais, le taux de rĂ©munĂ©ration du plan d’Ă©pargne logement sera susceptible de changer chaque annĂ©e au 1er janvier. Mais il rapportera au minimum, comme depuis 2003, 2,5 % d’intĂ©rĂȘts par an (hors fiscalitĂ© et prime d’État, voir ci-contre). Ce taux, en vigueur par annĂ©e calendaire, sera appliquĂ© pour chaque nouvelle gĂ©nĂ©ration de PEL, la rĂ©munĂ©ration dĂ©crochĂ©e Ă  l’ouverture du plan restera donc la mĂȘme pendant toute sa durĂ©e.

C’est la Banque de France, qui calculera le nouveau taux d’intĂ©rĂȘt du PEL, en novembre, Ă  partir d’une moyenne de taux d’intĂ©rĂȘt (Ă  court, moyen et long terme) constatĂ©s sur les marchĂ©s financiers. « Mais tout comme pour le livret A, le gouvernement se laisse la possibilitĂ© de modifier ce taux », prĂ©cise Marina Nuvoli, responsable du dĂ©veloppement marketing de la banque au quotidien chez LCL.

Pour la nouvelle gĂ©nĂ©ration de PEL ouverte entre le 1er mars et le 31 dĂ©cembre 2011, le taux de rĂ©munĂ©ration reste fixĂ© Ă  2,5 %. DĂšs lors il existe deux stratĂ©gies pour ceux qui n’ont pas dĂ©jĂ  un PEL. Pour ceux qui recherchent avant tout la rĂ©munĂ©ration, mieux vaut attendre le 1er janvier 2012 pour ouvrir un PEL, car les taux devraient monter. Ceux, en revanche, qui ont un projet immobilier Ă  moyen terme peuvent privilĂ©gier le taux du crĂ©dit associĂ©, qui sera certainement intĂ©ressant Ă  l’avenir, et que l’on peut « cristalliser » Ă  4,2 % en ouvrant dĂšs aujourd’hui un PEL. La somme prĂȘtĂ©e dĂ©pendra du capital Ă©parnĂ©.

2 – Les conditions pour bĂ©nĂ©ficier de la prime d’État sont renforcĂ©es

L’un des principaux intĂ©rĂȘts du PEL rĂ©side dans la prime d’État, qui majore le taux de rĂ©munĂ©ration bancaire de deux cinquiĂšmes, soit 1 point pour la gĂ©nĂ©ration en cours, dont le taux est ainsi portĂ© de 2,5 Ă  3,5 %. Depuis le 13 dĂ©cembre 2002, l’obtention de cette prime est suspendue Ă  la souscription d’un crĂ©dit Ă©pargne logement. La nouvelle version du PEL ne revient pas sur cette disposition.

Au contraire, elle impose un montant minimum de prĂȘt de 5.000 euros. Auparavant cette limite n’existait pas. Cette mesure permet d’Ă©viter que certains Ă©pargnants opportunistes ne fassent une demande de crĂ©dit d’une centaine d’euros dans le seul but de dĂ©crocher la fameuse bonification.
Autre modification de taille : ce crĂ©dit Ă©pargne logement ne concerne plus que la construction, l’extension ou des travaux importants dans la rĂ©sidence principale, alors qu’il Ă©tait autrefois possible de s’en servir dans sa rĂ©sidence secondaire. Enfin, la prime d’État est plafonnĂ©e Ă  1.000 euros, au lieu de 1.525 euros auparavant. Ceux qui tentent d’optimiser leur PEL (voir illustration) risquent donc de le saturer plus rapidement.
Une exception Ă  cette nouvelle rĂšgle : si le crĂ©dit Ă©pargne logement souscrit sert Ă  acquĂ©rir ou faire construire un logement « vert ». Dans ce cas, la prime d’État reste inchangĂ©e Ă  1.525 euros. Le hic ? La dĂ©finition prĂ©cise du niveau de verdissement du logement n’a pas encore Ă©tĂ© clairement dĂ©finie par le gouvernement.

3 – Le PEL a dorĂ©navant une durĂ©e de vie maximale de quinze ans

La durĂ©e de vie minimale d’un PEL reste de quatre ans dans la nouvelle mouture. L’argent n’est toujours pas bloquĂ© : en cas de retrait entre la date d’ouverture du plan et son deuxiĂšme anniversaire, toute l’Ă©pargne accumulĂ©e est rĂ©munĂ©rĂ©e au taux du compte Ă©pargne logement (CEL), soit 1,25 % depuis le 1er fĂ©vrier de cette annĂ©e. Un retrait entre le deuxiĂšme et le troisiĂšme anniversaire du PEL limite sa rĂ©munĂ©ration aux seuls intĂ©rĂȘts bancaires (soit 2,5 %) et entraĂźne la perte des droits Ă  prĂȘt et donc de la prime d’État.

Enfin un retrait entre le troisiĂšme et le quatriĂšme anniversaire du plan minore la prime d’État et les droits Ă  prĂȘt de moitiĂ© (la rĂ©munĂ©ration maximale passe donc Ă  3 %). Autre point commun entre la nouvelle et l’ancienne version : effectuer des versements sur un PEL reste possible pendant seulement dix ans. Au-delĂ  de cette durĂ©e, le PEL reste toutefois ouvert et continue de gĂ©nĂ©rer des intĂ©rĂȘts, tout retrait entraĂźnant sa clĂŽture dĂ©finitive.
Mais dĂ©sormais, et c’est la grande nouveautĂ©, ce produit financier a une durĂ©e de vie maximale de quinze ans. À partir de son seiziĂšme anniversaire, le PEL sera automatiquement transformĂ© en CEL et rĂ©munĂ©rĂ© au taux en vigueur. Le but de cette mesure est d’Ă©viter que ce produit ne soit transformĂ© en « supertirelire » sans risque par des Ă©pargnants qui y laisseraient fructifier leurs Ă©conomies « ad vitam aeternam ». Pour rappel, un PEL ouvert fin 1985 continue de rapporter… 7,5 % par an !

4 – La fiscalitĂ© est plus lisible mais un peu moins favorable

Le PEL Ă©tait l’un des derniers produits d’Ă©pargne Ă  ne pas ĂȘtre soumis chaque annĂ©e aux prĂ©lĂšvements sociaux. « Pour les anciennes gĂ©nĂ©rations, cette ponction avait lieu en une seule fois, Ă  la clĂŽture du plan, ou Ă  partir de son dixiĂšme anniversaire », rappelle Marina Nuvoli, responsable du dĂ©veloppement marketing de la banque au quotidien chez LCL.

La rĂ©forme change la rĂšgle du jeu : dĂ©sormais, les intĂ©rĂȘts annuels servis seront calculĂ©s net des prĂ©lĂšvements sociaux qui atteignent, depuis le 1er janvier, 12,3 %. L’avantage de cette rĂ©forme ? Elle rend plus lisible la fiscalitĂ© appliquĂ©e Ă  ce placement. Et, fondamentalement, cela ne change pas grand-chose Ă  la rĂ©munĂ©ration globale du produit, mĂȘme si, comme le regrette l’association de consommateurs CLCV, « les intĂ©rĂȘts annuels seront diminuĂ©s et donneront des intĂ©rĂȘts composĂ©s moins importants ». Pour la gĂ©nĂ©ration de PEL de 2011, qui affiche 2,5 % brut, cela revient Ă  un taux net de 2,2 %, une rĂ©munĂ©ration encore intĂ©ressante pour de l’Ă©pargne Ă  moyen terme.

La rĂšgle concernant l’imposition des intĂ©rĂȘts reste, quant Ă  elle, identique. Les intĂ©rĂȘts sont toujours exonĂ©rĂ©s d’impĂŽt jusqu’au douziĂšme anniversaire du PEL. Ensuite, ils sont, au choix du titulaire, soit imposĂ©s au prĂ©lĂšvement forfaitaire libĂ©ratoire de 31,3 %, soit intĂ©grĂ©s aux revenus et taxĂ©s au taux marginal d’imposition puis soumis en sus aux prĂ©lĂšvements sociaux de 12,3 %.

Interview de VĂ©ronique Lebreton, chef de produits Ă©pargne LCL : « Il faut cesser de verser de l’argent sur un PEL dĂšs lors que la prime d’État est saturĂ©e »

En quoi la rĂ©forme du PEL change-t-elle ce produit d’Ă©pargne ? Comme elle prĂ©voit une variation chaque annĂ©e du taux de rĂ©munĂ©ration, avec un plancher Ă  2,5 %, ce produit retrouve de l’intĂ©rĂȘt chez les Ă©pargnants qui cherchent un placement sĂ»r Ă  la rĂ©munĂ©ration correcte. Elle a aussi l’avantage de remettre sous le feu des projecteurs ce placement, qui a peu Ă  peu Ă©tĂ© dĂ©laissĂ© par les mĂ©nages. À tort, car il constitue un premier pas vers l’acquisition immobiliĂšre, d’autant que le PEL est considĂ©rĂ© par les banquiers comme un apport personnel, il permet donc parfois de dĂ©crocher un crĂ©dit immobilier plus facilement.

À qui le conseillez-vous ? Nous le proposons Ă  nos clients jeunes actifs qui ont un projet immobilier Ă  moyen terme. Le PEL est idĂ©al pour eux, car il oblige Ă  Ă©pargner rĂ©guliĂšrement, mĂȘme avec de faibles montants, est facile Ă  souscrire et souple dans son fonctionnement. Il a aussi un grand intĂ©rĂȘt pour accompagner les projets immobiliers de ses enfants. Leur ouvrir un PEL Ă  partir de 10 ans est intĂ©ressant, car ce produit leur permet de se constituer un capital qui servira d’apport pour leur premier logement. Ils pourront aussi, Ă  leur majoritĂ©, se servir des sommes accumulĂ©es dessus pour financer l’achat de leur premiĂšre voiture ou payer une partie de leurs Ă©tudes.

Comment optimiser financiĂšrement ce produit ? Il ne faut plus verser d’argent dessus lorsque la prime d’État est saturĂ©e. Ce seuil Ă  atteindre dĂ©pend de la durĂ©e d’Ă©pargne, du montant investi Ă  l’ouverture et de celui des versements rĂ©guliers. Pour le connaĂźtre, il est possible de demander Ă  son conseiller diffĂ©rentes simulations au moment de la souscription, ou les rĂ©aliser soi-mĂȘme en direct, sur notre site Internet par exemple.

Marie Pellefigue