Selon l’étude annuelle du conseil international en immobilier d’entreprise Cushman & Wakefield, Main Streets Across the World, les douze derniers mois ont confirmé le dynamisme de la plupart des grandes artères commerçantes mondiales.
« En dépit de la fragilité du climat économique et du moral des ménages dans de nombreux pays, 81 % des 278 emplacements analysés par Cushman & Wakefield dans 63 pays ont enregistré une hausse ou une stabilité de leur valeur locative contre 66 % en 2010 » annonce Christian Dubois, directeur général de Cushman & Wakefield France.
Plusieurs facteurs ont joué en faveur du marché de l’immobilier de commerces dans le monde. La sortie de crise et l’accélération de la croissance économique constatée à la fin de 2010 et au début de 2011 ont permis le retour au vert de plusieurs indicateurs, et notamment l’amélioration du marché de l’emploi ou du climat des affaires. Si ce regain risque de faire long feu, comme le laisse craindre l’exacerbation de la crise de la dette souveraine au cours d’un été particulièrement agité, il n’en a pas moins contribué à la croissance générale des valeurs locatives. Confirmant que le pire était bien derrière nous, la publication des bons résultats de plusieurs grands groupes, dans le secteur du luxe comme dans celui du mass-market, a notamment coïncidé avec l’accélération du rythme d’ouverture de leurs boutiques. Comme l’an passé, cette évolution a profité en priorité aux meilleurs emplacements des grandes artères mondiales, qui continuent de bénéficier de la volonté des enseignes de limiter les risques associés à une ouverture et de tirer parti de l’effet vitrine que leur offre une telle implantation. « La polarisation du marché de l’immobilier de commerces ne s’est donc pas démentie, accentuant la distinction entre des emplacements n°1 dont la rareté pousse les valeurs locatives à la hausse et des emplacements secondaires fragilisés par les stratégies de rationalisation des enseignes et par l’essor du e-commerce » explique Christian Dubois.
L’accentuation des tendances observées l’an passé n’a pas bouleversé la donne aux premières places du classement des grandes artères commerçantes mondiales. La 5e Avenue à New York, dont la valeur locative a augmenté de 21,6 % au cours des douze derniers mois, est l’artère la plus chère du monde pour la dixième année consécutive, devant Causeway Bay à Hong Kong (+ 16,7 %) et Ginza à Tokyo (+ 8,7 %), qui reste sur le podium en dépit de la catastrophe qui a affecté l’archipel japonais en mars dernier. Le top 10 mondial a toutefois connu deux évolutions significatives : le bond de 33,3 % de la valeur locative prime de Pitt Street Mall à Sidney fait passer cette dernière de la 9ème à la 4ème place du classement tandis que la progression certes plus modeste de 5,3 % de la valeur locative des Champs-Elysées permet à l’avenue parisienne de retrouver son statut d’artère commerçante la plus chère d’Europe devant New Bond Street à Londres. Contrastant avec la baisse de 9,5 % enregistrée l’an passé, cette hausse signe un certain retour en grâce de la « plus belle avenue du monde », récemment animée par plusieurs ouvertures et transactions significatives (Marks and Spencer, Levi’s ou encore Banana Republic). D’autres projets pourraient se concrétiser dans les prochains mois et pousser encore la valeur locative prime des Champs-Elysées à la hausse. De fait, « la reprise économique, même fragile, l’essor du tourisme dans la capitale et la réduction du nombre d’opportunités disponibles aiguisent l’appétit de grandes enseignes internationales déjà présentes à Paris ou désireuses de s’y implanter. Cette évolution ne se limite pas aux Champs-Elysées, d’autres quartiers de la capitale demeurant très attractifs pour les enseignes (Opéra/Madeleine, Le Marais, Boulevard Saint-Germain, etc.). Elle ne se limite pas non plus au seul secteur du mass-market. Boosté par l’inauguration de nouveaux palaces, le marché du luxe, au travers de nombreuses ouvertures, comme Chloé rue Saint-Honoré, ou de la poursuite de la montée en gamme des grands magasins, apparaît ainsi comme l’un des grands gagnants de la sortie de crise » selon Christian Dubois.
Les principales artères d’Europe bénéficient, comme en France, de l’intérêt de grandes enseignes désireuses d’y poursuivre leur expansion. Le Vieux continent enregistre ainsi une évolution générale positive de ses valeurs locatives prime (+ 1,9 %) et rompt avec deux années de baisse. Tirant parti de la robustesse de la croissance économique locale, quelques artères ont connu une hausse à deux chiffres, notamment en Allemagne (+ 18,2 % sur la Tauentzienstraße à Berlin), en Russie (+ 25 % sur la Perspective Nevski à Saint-Pétersbourg) ou en Turquie (+ 22,4 % sur la Bagdat Caddesi). L’ampleur de la crise traversée par certains pays continue en revanche de peser sur l’évolution de plusieurs marchés, comme Grafton Street à Dublin (- 7 %), passée du 5ème au 15ème rang mondial entre 2008 et 2011, ou comme la rue Ermou à Athènes (- 11,4 %), qui a reculé de la 11ème à la 22ème place sur la même période. Dans un environnement économique encore très incertain, l’Europe présente donc un visage très contrasté et affiche des performances encore bien en-deçà de celles d’autres régions du monde.
Les pays émergents se distinguent à nouveau de la plupart des marchés établis, et des pays européens en particulier, par l’ampleur de la hausse des valeurs locatives de leurs principales artères commerçantes. L’augmentation sur un an est ainsi de 12,2 % en Asie-Pacifique et de 10,6 % en Amérique du Sud, notamment soutenue par quelques progressions impressionnantes en Chine (+ 109,5 % sur Wangfujing à Pékin) et au Brésil (+ 52,2 % sur la rue Garcia d’Avila à Rio de Janeiro). « De façon générale l’essor du tourisme, la hausse soutenue de la consommation et l’appétit d’une classe moyenne toujours plus importante pour de nouveaux formats commerciaux soutiennent la demande des grandes enseignes internationales pour les meilleurs emplacements des pays émergents. Dans un contexte de grande rareté de l’offre de qualité, les loyers augmentent en outre d’autant plus rapidement que le marché du luxe connaît un véritable boom, en Chine, en Inde ou dans certaines villes d’Amérique du Sud » explique Christian Dubois.
Une nouvelle progression importante et généralisée des loyers des grandes artères commerçantes mondiales paraît désormais moins certaine. Illustrés par l’exacerbation récente de la crise de la dette souveraine, les risques de ralentissement de l’économie mondiale sont de fait bien réels et pourraient peser sur le marché de l’immobilier de commerces, aux Etats-Unis et en Europe en particulier. En Europe, les objectifs d’assainissement des finances publiques devraient ainsi, avec l’adoption de nouvelles mesures d’austérité, peser sur le pouvoir d’achat des ménages, et sapant la confiance des consommateurs, assombrir les perspectives des enseignes. Toutefois « deux éléments nous permettent de rester optimistes. Le luxe demeurera une « valeur refuge » et l’un des principaux facteurs de croissance des valeurs locatives dans les mois à venir, dans les pays développés comme dans les BRICS (Brésil-Russie-Inde-Chine). Par ailleurs, les prochains mois ne démentiront pas l’attractivité d’emplacements prime encore rares et toujours très recherchés par des enseignes à la recherche de la meilleure visibilité » conclut Christian Dubois.
Le Top 10 des pays aux artères commerçantes les plus chères du monde en 2011
2011 | Pays | Ville | Rue | €/m2/an | Evolution annuelle (%) |
1 | Etats-Unis | New York | 5e Avenue | 16,704 | +21,6 |
2 | Chine | Hong Kong | Causeway Bay | 14,426 | +16,7 |
3 | Japon | Tokyo | Ginza | 7,750 | +8,7 |
4 | Australie | Sydney | Pitt Street Mall | 7,384 | +33,3 |
5 | France | Paris | Champs-Elysées | 7,364 | +5,3 |
6 | Royaume-Uni | Londres | New Bond Street | 6,901 | +4,3 |
7 | Italie | Milan | Via Montenapoleone | 6,800 | +0,0 |
8 | Suisse | Zurich | Bahnhofstrasse | 6,553 | +0,0 |
9 | Corée du Sud | Séoul | Myeongdong | 4,714 | +0,6 |
10 | Allemagne | Munich | Kaufingerstrasse | 3,960 | +6,5 |
Source : Cushman & Wakefield