Locations Périssol, Besson, Robien, Scellier… l’Etat a-t-il atteint les objectifs recherchés ?

L’Etat, et donc le contribuable, ont investi des milliards dans les régimes successifs d’incitation fiscale à l’investissement locatif depuis près de 20 ans. Plus de la moitié de la construction neuve en a bénéficié ces dernières années avec le régime « Scellier ». Auparavant, l’industrie de la promotion immobilière a bien profité du régime « Périssol », de 1996 à 1999, et du régime « Robien », de 2003 à 2006. Si ce subventionnement a remédié au besoin de logements dans beaucoup de villes de province, souvent malheureusement jusqu’à la sur-saturation, avec les conséquences que l’on sait pour les investisseurs, il a aussi bénéficié à la construction de logements locatifs en Ile-de-France, région en crise du logement chronique. A-t-il au moins permis d’augmenter durablement le parc locatif privé et de peser sur les loyers, puisque plusieurs de ces dispositifs ont été assortis de plafonds de loyer au m2 ? Sur les deux plans rien n’est moins sûr comme le montre une étude récente de l’OLAP.

555.000 logements neufs construits en 12 ans

Début 2009, on dénombrait 554.849 logements construits entre 1996 et 2008 pour un parc total de plus de 5,5 millions de logements. C’est ce qui ressort d’une étude de l’OLAP (observatoire des loyers de l’agglomération parisienne) visant à éclairer l’administration sur le devenir des logements neufs d’Ile-de-France en terme de statut d’occupation au fil du temps, et compare, pour l’agglomération parisienne, les loyers de ces logements aux plafonds fixés dans le cadre des différents dispositifs d’incitation fiscale à l’investissement locatif : « Périssol » de 1996 à 1999, « Besson » de 2000 à 2002, « Robien » de 2003 à 2005 et « Borloo » de 2006 à 2008 (1).

Près de la moitié l’ont été en grande couronne, dont la part augmente dans la construction neuve de la région pour atteindre 53,5% sur la période 2006-2008, alors qu’elle s’est effondrée à Paris. Les constructions neuves ont été moins nombreuses sur les deux dernières périodes de régimes de défiscalisation (Robien et Borloo – environ 40.000 logements par an) que sur les deux périodes précédentes (Périssol et Besson – 44 à 46.000 logements par an). Cette tendance est exactement l’inverse de ce qui s’est produit en province, et qui a permis à la construction neuve d’atteindre nationalement un record absolu en 2007 (420.000 logements dont 120.000 de promoteurs).

Très concentrée sur les zones denses de la région – 77 communes ou arrondissements parisiens ont accueilli 50,1% de ces logements pour un parc représentant début 2009 48,6% du parc de la région, alors qu’à l’opposé, 924 communes se sont réparti 10% des logements neufs, ces communes représentant 9,5% du parc de la région -, la localisation de la construction neuve s’est déplacée au cours de la période du centre et de l’ouest vers l’est de la région.

Un parc locatif privé en recul dans la région malgré la construction

Sur ce total, 47% des logements entre 1996 et 2008 ont bénéficié en premier lieu à la propriété occupante, 29% au secteur locatif privé et 23% au secteur social. Les 142.300 logements locatifs privés sont trois fois plus nombreux en petite ou en grande couronne
(respectivement 61.150 et 61.900 unités) qu’à Paris (19.300). Mais les apports de la construction neuve n’ont pas toujours permis une augmentation du parc dans les différentes catégories citées : notamment, le secteur locatif privé se trouve en léger recul entre 1999 et 2009 (-2,4 points sur la décennie, passant de 29,2 à 26,8% du parc total), au profit des propriétaires occupants (+3 points à 48,2%), le parc HLM se maintenant tout juste (-0,1 point à 21,6%)…

Globalement, la taille des logements construits pendant la période étudiée a augmenté mais surtout pour la propriété occupante (+11 m2). les logements locatifs en ont moins profité (+4 m2). Le dispositif « Périssol » a surtout favorisé la construction de petits logements (64% de 1 et 2 pièces). Les dispositifs suivants ont permis d’augmenter la part des 3 pièces et plus, qui représentent ainsi près de la moitié de la production de la période 2003-2005, mais en fait cela s’explique par le déplacement progressif des investissements en grande couronne, où les prix moins élevés ont permis, à budget constant, l’achat d’une surface plus importante dont le loyer mensuel sera équivalent voire supérieur à celui d’un logement plus petit et plus central.

Face aux questions récurrentes sur l’efficacité des dispositifs fiscaux, l’OLAP a analysé l’évolution du parc de logements neufs dans le temps, et notamment celui de la période « Périssol » : en raison de la durée de location obligatoire de 9 ans, il est le seul dispositif actuellement en phase de sortie de période d’amortissement. Il en ressort une érosion du parc construit entre 1996 et 2008 dans la majorité des départements en 2009, voire dès 2007 : -18% dans la zone de loyers la plus chère de la région, et -12% dans les quatre zones suivantes. Il faut aller aux confins de la région pour voir le parc locatif de cette tranche de millésimes augmenter…

Il apparaît donc clairement que beaucoup de propriétaires revendent dès la fin de l’obligation de location. Cette baisse est particulièrement marquée dans les deux départements les plus « bâtisseurs » de la période et qui sont aussi les plus chers de la région. Selon l’OLAP, il est vraisemblable que la forte hausse des prix intervenue sur la période dans les zones les plus chères, non suivie dans les mêmes proportions par la hausse des loyers, a conduit certains bailleurs à arbitrer en faveur de la revente. Une façon de « prendre son bénéfice » en vue d’autres placements, éventuellement à nouveau immobiliers…

A noter que cette tendance, favorisée par une imposition des plus-values fortement réduite après 10 à 12 ans de détention, et réduite à zéro après 15 ans, risque d’être freinée par la réforme entrant en vigueur le 1er février 2012 : l’imposition, à un taux porté à 32,5%, s’effectue sur un montant qui ne diminue vraiment qu’à partir de 25 ans de détention des logements, l’exonération totale n’intervenant qu’après 30 ans.

Des loyers peu impactés par les plafonds imposés

L’OLAP a aussi cherché à estimer le loyer des logements construits entre 1996 et 2008 et à comparer les loyers obtenus par rapport aux plafonds des différents dispositifs fiscaux (sauf le « Périssol » qui n’en comportait pas). Ce loyer estimé est celui qu’auraient eu ces logements s’ils avaient été loué sur le marché libre, indépendamment des plafonds de loyer des dispositifs fiscaux. L’estimation des loyers a été faite à partir de la base de loyers de l’OLAP, qui tient compte des nombreux paramètres dont dépend le niveau de loyer d’un logement, tenant à ses caractéristiques
propres (confort, étage…), à celles de l’immeuble (équipement…) et à sa localisation ainsi qu’à la situation du marché locatif (tension plus ou moins forte).

Il en ressort que les loyers plafonds du régime Besson se sont avérés inférieurs dans de nombreuses communes au loyer libre, en particulier à Paris où l’écart est supérieur à 5 euros/m2 dans la plupart des arrondissements, mais aussi dans de larges secteurs de la petite couronne ouest et sud, et même quelques secteurs de grande couronne, notamment dans les Yvelines. Par contre, les dispositifs Robien et Borloo n’ont eu que peu d’effet modérateur, limité aux arrondissements les plus cotés de la capitale et à Neuilly-sur-Seine. « A l’exception de ces localisations on peut dire en simplifiant que le plafond n’a aucun effet sur le niveau des loyers, les bailleurs ayant intérêt à retenir un loyer proche du marché pour éviter la vacance », indique l’OLAP. Le dispositif est donc en pratique ouvert à tous les investisseurs sans contrainte de loyer, et les bailleurs ont dans de nombreux cas eu une rentabilité inférieure à celle attendue s’ils se sont fiés aux loyers plafonds dans leur plan de financement…

Autrement dit, sous couvert de l’objectif de peser sur les loyers, l’Etat a subventionné en région parisienne plusieurs dizaines de milliers de logements locatifs en loyers de marché…

(1) OLAP – Repères – novembre 2011 : « Périssol, Besson, Robien… que sont devenus les logements locatifs neufs ? »
UNIVERSIMMO