L’Autorité de la Concurrence vient de rendre son avis, « relatif à la situation concurrentielle dans le secteur de la distribution alimentaire à Paris », qui confirme la pertinence de sa saisine par la Ville de Paris en février 2011.
Selon l’Autorité de la Concurrence, le groupe « Casino occupe à Paris intra-muros, un poids prépondérant, de 61,7 % en part de surfaces de vente et de 54 à 66 % en part de chiffre d’affaires » et « (les) niveaux de marge – pratiqués par ce groupe – rendraient possible une diminution des prix si la concurrence était plus intense ».
Comme l’Autorité de la Concurrence, la Ville de Paris regrette, face à ce constat sévère et argumenté, le manque de moyens des collectivités locales pour agir face à cette situation préjudiciable à la diversité commerciale, au libre choix et au pouvoir d’achat des Parisiens. La loi dite de modernisation de l’économie n’a en rien permis une amélioration de la situation concurrentielle.
Depuis 2001, la Ville de Paris s’attache à défendre la diversité commerciale, qui participe d’une certaine culture urbaine et d’une concurrence saine, permettant au consommateur parisien de choisir les commerces dans lesquels il souhaite s’approvisionner. Développer les marchés alimentaires parisiens, lutter pour maintenir le commerce et l’artisanat dans plusieurs rues parisiennes grâce au PLU, acquérir des locaux pour y installer des commerces de proximité via l’action de la Semaest, Société d’économie mixte de la ville, sont autant de moyens pour permettre au consommateur de diversifier ses sources d’approvisionnement, et de comparer les produits et les prix.
La Ville de Paris souhaite donc qu’une loi soit votée dès la prochaine législature pour renforcer les pouvoirs de l’Autorité de la Concurrence, et lui donner les moyens, à travers l’injonction structurelle, d’obliger l’acteur économique en situation de position dominante à céder une partie de ses actifs, et ainsi pouvoir réinsuffler un juste équilibre concurrentiel.
L’Autorité de la concurrence a pointé la position dominante de Casino à Paris, ce dernier conteste.
La réaction de Casino en dit long. Le groupe de Jean-Charles Naouri conteste les accusations de position dominante que, selon l’Autorité de la concurrence, il occupe à Paris. « La part de marché de Casino à Paris, cumulée à celle de Monoprix, n’excède pas 38,5%, selon trois études », assure-t-il.
L’avis rendu fait débat. Son assiette d’analyse est contestée. Car les commerces de bouche et les enseignes spécialisées (dont Picard) en sont écartés. « La valeur de marché de 3,7 milliards d’euros retenue n’est pas représentative de la consommation alimentaire des parisiens », conclut Casino, en estimant ce marché à 6 milliards d’euros. Le groupe indique y réaliser 2,3 milliards d’euros, en y incluant 100 % des ventes de Monoprix.
Par ailleurs, l’Autorité de la concurrence pointe la position dominante de Casino, sans établir qu’il pratique des prix abusifs. Cet avis risque cependant d’écorner l’image de ses enseignes. « C’est un obstacle à la concurrence », dénonce l’Autorité. Dans la foulée, UFC avance un chiffre : le préjudice subi par les ménages parisiens serait de « plus de 400 euros ». Ces évaluations sont du pain bénit pour Intermarché « prêt à contrer Casino dans Paris ». Le groupement des Mousquetaires espère obtenir de la Ville de Paris de l’aide pour ouvrir des supermarchés au pied des immeubles de bailleurs sociaux.
Casino s’inquiète probablement aussi de la portée de cet avis lors de l’exercice éventuel de son option de rachat des 50% de Monoprix. Il lui en coûterait 1,2 à 1,4 milliard d’euros. L’Autorité de la concurrence jure qu’alors elle analysera « très précisément » cette prise de contrôle à 100 %. Mieux : elle plaide pour que les conditions de son droit d’injonction soient assouplies. « Lors du constat d’un marché trop concentré, l’Autorité doit pouvoir imposer la cession de magasins à de nouveaux entrants. Cet outil rebrasserait les cartes », notent les juges. La Ville de Paris approuve. D’ici là, l’expansion de Monoprix dans Paris risque de se heurter au veto municipal.