Le nouveau cycle d’achat

DĂ©c 5th, 2013 / FrĂ©dĂ©ric Cavazza > voir l’article complet

En 2011 Google s’était associĂ© Ă  diffĂ©rents professionnels du marketing pour Ă©tablir la thĂ©orie du Zero Moment of Truth (ZMOT pour les intimes). L’idĂ©e maĂźtresse de cette thĂ©orie Ă©tait qu’avec les mĂ©dias sociaux, le cycle traditionnel d’achat Ă©tait perturbĂ©. Ils ont ensuite Ă©tayĂ© cette thĂ©orie avec une seconde version de leur livret blanc (ZMOT Ways to Win Shoppers at the Zero Moment of Truth Handbook) et mĂȘme lancĂ© une sĂ©rie de vidĂ©os pour l’illustrer : Winning the Zero Moment of Truth, A New Mental Model.

Nous ne pouvons qu’abonder dans leur sens et reconnaĂźtre la pertinence de cette thĂ©orie. Mais plus le temps passe, et plus nous pouvons nous rendre compte que la situation est en fait bien pire que ce que l’on pensait. En fait, elle est surtout pire pour les mĂ©dias traditionnels, pas pour les marques.

1/ Un parcours client auparavant maßtrisé

Pendant des décennies, les annonceurs ont eu recours à de vastes campagnes de publicité pour stimuler une envie auprÚs de cibles (stimulus), qui se déplaçaient ensuite en magasin pour concrétiser leur achat (first moment of truth), et avaient des contacts épisodiques avec la marque au travers du service client (second moment of truth).

 

Le parcours client traditionnel

Dans ce parcours “traditionnel”, les marques avaient l’entiĂšre maĂźtrise des trois Ă©tapes :

  • Les campagnes TV / radio / presse du stimulus ;
  • Les points de vente du First Moment of Truth ;
  • Les points de contact du Second Moment of Truth (centres d’appel, courriers
).

Mais les habitudes de consommation ont évolué et surtout les clients et prospects ont commencé à passer de plus en plus de temps sur le web.

2/ Un parcours client perturbé par les médias sociaux

Avec la montĂ©e en puissance des blogs et de plateformes sociales comme Youtube, Facebook ou Twitter, les marques se sont rendues compte qu’entre le stimulus et le passage en point de vente les prospects passaient un peu de temps sur le web pour faire mĂ»rir leur intention d’achat et se renseigner sur les produits. C’est ce qu’ils appellent le Zero Moment of Truth, le premier contact volontaire entre un prospect et un produit ou une marque.

 

Le parcours client perturbé par les médias sociaux.

Le problĂšme est qu’au cours de cette Ă©tape de recherche d’informations en ligne, les prospects sont exposĂ©s Ă  des contenus qui ne sont plus maĂźtrisĂ©s par la marque (avis, articles de blog, discussions sur les forums
). Il est par consĂ©quent beaucoup plus compliquĂ© pour les annonceurs de maĂźtriser cette relation naissante avec leurs prospects : qui n’a pas entendu un vendeur se plaindre du fait que les clients viennent les trouver avec des pages web imprimĂ©s et exigent qu’on leur vende exactement le mĂȘme produit au mĂȘme prix (ce qui n’est pas toujours le cas, car les stocks sont limitĂ©s) ?

Comme le dit le proverbe : “Vous n’avez pas deux fois la possibilitĂ© de faire une premiĂšre bonne impression“. Et c’est lĂ  le drame de nombreuses marques qui soufraient d’une mauvaise rĂ©putation sur le web du fait d’avis ou commentaires nĂ©gatifs. Il existe une lĂ©gende urbaine qui dit qu’un client mĂ©content a dix fois plus de chance de s’exprimer sur le web qu’un client satisfait. Nous ne sommes pas en mesure de confirmer ce chiffre, mais il est vrai que les internautes ont la critique facile, surtout en France !

Le meilleur moyen de pallier Ă  cette mauvaise premiĂšre impression pour une marque est d’ĂȘtre prĂ©sent sur les mĂ©dias sociaux (avec du contenu qu’elle maĂźtrise) et de s’insĂ©rer dans les conversations (pour dĂ©fendre les produits et dĂ©montrer une volontĂ© de satisfaire le client). Jusque lĂ , tout se passait plutĂŽt bien, sauf que


3/ Un parcours client dĂ©sintermĂ©diĂ© oĂč la marque est complĂštement absente

Nous sommes désormais en 2014, et les habitudes de consommation se déplacent vers le social commerce

  • Les cibles ne regardent plus la TV, elles prĂ©fĂšrent tĂ©lĂ©charger leurs programmes ou les regarder en VoD / Replay quand elles le dĂ©cident ;
  • Plus personne n’a le temps de faire du lĂšche-vitrine, l’inspiration vient avec des sites de curation comme Pinterest ou Fancy (cf. Mythes et rĂ©alitĂ©s du social commerce) ;
  • La recherche d’information et la prise de dĂ©cision d’achat se font bien Ă©videmment en ligne, notamment sur des communautĂ©s d’acheteurs comme Bootic ou des blogs semi-pro ;
  • L’achat se fait sur de gigantesques portails marchands comme Amazon (sur lesquels les marques n’ont aucun levier de pression) ou sur les marketplaces de boutiques en ligne (donc auprĂšs de vendeurs indĂ©pendants) ;
  • La phase de possession du produit est ponctuĂ©e de nombreuses visites sur des forums spĂ©cialisĂ©s comme Hardware.fr ou sur des plateformes d’entre-aide oĂč les clients peuvent se refiler des astuces et des conseils pour le prochain achat.

Dans ce schĂ©ma, la marque est complĂštement absente, elle ne maĂźtrise plus rien, car elle n’a plus aucune relation avec ses clients. Nous sommes rentrĂ©s dans l’ùre du “client savant” ou du “client Ă©mancipĂ©â€ qui se dĂ©brouille tout seul comme un grand et ne veut plus ĂȘtre confrontĂ© Ă  des publicitĂ©s mensongĂšres (ou qui exagĂšrent un peu sur les bĂ©nĂ©fices des produits) ou des vendeurs incompĂ©tents. Bref, le client est devenu autonome et les marques n’ont pas d’autre choix que de livrer des produits de qualitĂ© irrĂ©prochable (le moindre dĂ©faut ou faiblesse est repĂ©rĂ© par la communautĂ©) Ă  des tarifs toujours plus bas (comparateur de prix
).

C’est dans cette logique que Brian Solis a contribuĂ© Ă  une Ă©volution de la thĂ©orie du Zero Moment of Truth : Give Them Something to Talk About, Brian Solis on the Art of Engagement. L’argumentation que l’auteur met en avant est que pour continuer Ă  ĂȘtre prĂ©sent dans les nouvelles habitudes de consommation des clients, une marque doit produire du contenu de qualitĂ© et inciter ses clients Ă  exprimer leur satisfaction. Cette expression de la satisfaction est dĂ©finie comme le Ultimate Moment of Truth, elle sera ensuite lue par d’autres internautes et participera : The Ultimate Moment of Truth and The Art of Digital Engagement.

Le nouveau parcours client des internautes.

Dans ce schĂ©ma, la derniĂšre impression laissĂ©e par les clients sera la premiĂšre impression de nouveaux prospects, la boucle est bouclĂ©e. Nous apprĂ©cions par exemple beaucoup les productions de Red Bull ou Oreo sur les mĂ©dias sociaux, mais on ne peut pas dire qu’ils dialoguent avec leurs clients, ils se content de dĂ©tourner leur attention et d’occuper l’espace mĂ©diatique.

Dans cette histoire il est surtout question de satisfaction et de fidĂ©lisation des clients. Vous pouvez toujours essayer de crier plus fort que les autres que vos produits sont meilleurs, la communautĂ© finira toujours par faire Ă©merger un consensus autour des produits rĂ©ellement meilleurs. Dans cette logique, il est de la responsabilitĂ© de la marque de prendre une dĂ©cision capitale : soit elle investi plus d’argent dans des campagnes mĂ©dia pour clamer haut et fort que ses produits sont bons, soit elle entre en conversation avec ses clients pour collecter leurs avis, fait Ă©voluer son offre en fonction des retours et le fait savoir Ă  la communautĂ©.

Conclusion

L’avenir d’une marque semble dĂ©sormais ne pas dĂ©pendre de sa capacitĂ© Ă  crier plus fort que ses concurrents, mais Ă  satisfaire rĂ©ellement ses clients. Cependant nous constatons au quotidien que la majeure partie des marques adoptent la force brute (grosses dĂ©penses publicitaires et grosses promotions) plutĂŽt que l’attitude conversationnelle (Ă©couter, dialoguer et amĂ©liorer les produits)
 Le chantier reste entier !

Pour en savoir plus : http://www.mediassociaux.fr