Les garanties concédées par les preneurs

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Historiquement, l’avantage des centres commerciaux sur les pieds d’immeubles et le centre-ville tenait dans l’absence de droit d’entrée-droit au bail. C’était le succès de premiers sites. Ils ont fait la fortune des propriétaires – et des enseignes ! Depuis, l’eau a coulé sous les ponts… Entre les droits aux baux et les déspécialisations, le dogme en avait déjà pris un coup. La sécurisation des actifs a conduit les foncières actuelles à pousser le bouchon plus loin. Les garanties demandées aux enseignes – et acceptées – vont désormais au-delà – très au-delà…

Souvenez-vous, lorsque vous étiez en classe primaire, il vous a été enseigné que certains calculs pouvaient être poursuivis jusqu’à ….
Difficile pour certains d’accepter cette impossibilité de tout saisir, de tout contrôler. L’angoisse peut, éventuellement, vous saisir. Les juristes que nous sommes, seulement forts en thème et non en arithmétique, ont toujours bien vécu cette situation, notamment avec le commerce.
Cependant, il faut constater que nos foncières, nos banquiers, souvent formés dans les grandes écoles ou la mathématique était la discipline première, souhaitent en permanence combler les vides. Ils ont donc peur du risque et, pour limiter leurs angoisses, notamment du non recouvrement des loyers, ils multiplient à l’infini les garanties que doivent leur accorder les locataires.

I – La numérotation dans tous ses états

1 – Le dépôt de garantie
A l’origine, tout était très simple pour garantir le contrat et son exécution, il suffit d’insérer une clause de garnissement (aménagement et stock) et un dépôt de garantie. Le dépôt de garantie correspondait à deux mois de loyer.
Dans la mesure où le loyer était à terme échu, le calcul était simple en matière de trésorerie
+ 2 – 1 = 1.

Finalement, les propriétaires ont souhaité modifier très simplement la donne en passant d’un loyer à terme échu à un loyer à terme à échoir.
Changement de calcul : + 2 + 1 = 3.

Les vertus de la trésorerie ont finalement été reconnues et pour respecter les dispositions de l’article 145-40 du Code de Commerce ou, plus exactement, afin de ne pas payer un intérêt au profit du locataire, il a été imaginé non plus un loyer mensuel, mais trimestriel. Dès lors, le calcul devenait : + 6 + 3 = 9.

Les plus malins se sont inscrits dans des loyers semestriels. Rares sont les sociétés de distribution françaises qui ont accepté ce type de mécanisme. Cependant, lorsque les locaux sont situés dans les meilleures artères (Saint-Honoré, Avenue Montaigne), le calcul deve-nait : + 12 + 6 = 18.

Depuis quelques mois, toujours dans leurs angoisses, les foncières réclament un dépôt de garantie Ttc. Très compliqué, puisque le dépôt de garantie a pour objet de couvrir le non-paiement du loyer et il est vrai que dans une telle hypothèse, le loyer Ht devient Ttc et les trois mois de garantie peuvent être considérés comme réduits à hauteur de la Tva, soit – 19,6 %. Cette disposition relève finalement d’un arrêt d’un ancien du Conseil d’Etat, à savoir Comité Propagande de la Banane (1979).

Cependant, le risque fiscal tant pour le bailleur que pour le locataire paraît important, puisque aucune prestation n’a été effectuée et, pour autant, le preneur serait en droit de déduire de la Tva, alors que le bailleur se devrait de la reverser. Compte tenu des sommes appelées au titre du dépôt de garantie et de l’éventuelle déduction afférente à la Tva, les locataires seront inspirés de réclamer auprès de leur bailleur des lettres de confort en cas de con-trôle fiscal.

2 – Les garanties contractuelles et financières
C’est certain, lorsque l’on ne fait pas confiance, on recherche de nouvelles garanties.
– Les premières étaient les moins coûteuses,
à savoir les garanties maison-mère. Une simple lettre de l’établissement ou de la holding permettait de couvrir, en accessoire, le non-paiement d’un loyer. Engagement hors bilan,
à moindres frais, si ce n’est le retraitement par le comptable et l’information par le commissaire aux comptes d’une telle garantie.
– Les secondes étaient accordées par le banquier du locataire, à savoir une garantie bancaire. Si elles n’étaient pas cumulées avec un dépôt de garantie, ceci pourrait être acceptable dans la mesure où le coût était bien moins élevé que la trésorerie déposée sur les comptes du bailleur. Rapidement, il a été considéré que la mise en œuvre de telles garanties était terriblement compliquée et qu’elle nécessitait des aménagements.
– La Garantie à Première Demande (Gapd)
Dans une telle hypothèse, le banquier doit, quoi qu’il arrive, payer sans qu’aucune discussion ne puisse être acceptée par le bailleur. Ce côté mécanique plaît beaucoup aux foncières. Ce-pendant, rapidement les propriétaires ne se sont pas limités au simple loyer, mais aussi aux charges, aux intérêts, … Les banquiers se sont finalement opposés à de tels mécanismes qui ne permettaient pas de connaître l’étendue et la durée exactes des engagements pris en faveur de leurs clients.

II – De l’infini à zéro

1 – La quadrature du cercle
C’est une Lapalissade que de rappeler le coût financier de tels engagements que ce soit un dépôt de garantie, une garantie bancaire, une Gapd, etc …
L’abandon, la restitution de tous dépôts de garantie permettraient aux locataires de financer des opérations d’investissement ou de communication, afin de retrouver du trafic et des flux de clients lesquels, aujourd’hui, font gravement défaut. Les foncières anglaises, compte tenu d’une baisse profonde de la consommation, s’inscrivent déjà dans une politique de restitution des dépôts de garantie. En outre, les Gapd, dont la teneur ne cesse de croître en termes d’engagement, sont données par des établissements financiers qui sont souvent eux-mêmes actionnaires de ces foncières. Finalement, ces garanties ne font que garantir indirectement leurs propres engagements. Seul le commerce souffre d’une telle politique financière.

2 – La courbe asymptotique
En pratique, lors de la sortie d’un local, que ce soit dans le cadre d’un congé fin de bail ou même d’une quelconque cession, force est de constater que le preneur connaît de grandes difficultés pour obtenir la restitution de son dépôt de garantie ou même de tous les engagements bancaires. Traditionnellement, on lui oppose d’abord des charges qui n’auraient pas été appelées et pour lesquelles il demeurerait redevable. Puis, il est fait état d’éventuels travaux lors de la restitution de la coque. Enfin, le service comptable de la foncière invente toutes sortes de difficultés internes ou externes, afin de conserver le plus longtemps possible le dépôt de garantie et percevoir ainsi les intérêts.
Par ailleurs, les preneurs peuvent être inquiets sur le sort de leur dépôt de garantie en présence d’un propriétaire qui, lui-même, connaît de graves difficultés. A l’exception de quel-ques organismes rattachés aux foncières, tous les professionnels de l’immobilier envisagent à court terme la fermeture de galeries ou leur déshérence.
Quels seront les recours possibles aux fins d’obtenir la restitution des dépôts de garantie ?

Ne faudrait-il pas, aujourd’hui, puisque de nombreuses foncières vendent leurs actifs, refuser dans les clauses du bail que les garanties accordées au premier bailleur ne puissent pas être transmises au cessionnaire ? Ainsi,
et comme le prévoient de nombreuses clauses du bail, les garanties accordées devraient être intuitu personae au profit du propriétaire, signataire du bail.

Pour conclure, il paraît, pour le moins paradoxal, que ceux-là même qui critiquent la lourdeur de l’économie française et revendiquent la souplesse et la liberté dans le fonctionnement du commerce soient les premiers à réclamer des garanties à leur profit. A priori, nous allons ranger nos dictionnaires de latin/grec pour reprendre nos tables de trigonométrie, peut-être qu’ainsi nous comprendrons mieux les attentes de nos chers bailleurs.

AUTEUR: Par Gilles Hittinger-Roux et Corinne de Prémare, associés au Cabinet H.B

Chute de la Valeur Locative & Droit au Bail

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Associations et fonds marketing, responsabilité du bailleur dans la bonne marche des galeries marchandes, prise en compte de la fréquentation pour le calcul du loyer variable, flambée du pied d’immeuble mais baisse globale des valeurs locatives, explosion des indices de révision des baux, complexité grandissante de la réglementation de l’urbanisme commercial : sans que cela ressemble à une révolution, l’immobilier de commerce réinvente actuellement ses règles au jour le jour. Chaque instant qui passe l’éloigne des principes qui le régissaient depuis une quarantaine d’années. Assurément, demain sera plus dur, laissant moins de place à la fantaisie.

Pour un peu on croirait que rien ne change… Et pourtant, la modification des structures dans lesquelles opèrent les intervenants de l’immobilier de commerce n’a, en progressant jour après jour, peut-être jamais autant évolué depuis des lustres. Des forces immenses pèsent sur un marché pris entre l’arbre de la baisse des ventes et l’écorce de la dématérialisation représentée par Internet et ses avatars, terminaux mobiles et tablettes en tout genre.

On sait, parce que ce canal représente déjà 7 % du chiffre d’affaires, tous secteurs confondus (et malgré une bonne moitié de billetterie-voyage), la surcapacité du nombre de mètres carrés de vente. Inévitablement, il s’en suivra de la casse : les mauvais emplacements et les médiocres malls produiront des friches, squelettes desséchés des Trente Glorieuses. Cette perspective n’est plus tabou… Il faudra se faire à un arbitrage de cette nature. Un jour ou l’autre – pas si lointain – les piètres sites et les tristes commerçants devront passer la main !

Les crises sont des aspirateurs à poussières… Et des podiums sur lesquels montent ceux qui ne se laissent pas abattre. Tout un chacun sait que le monde n’aura pas la même allure dans quelques années et que la reprise s’appuiera sur des principes radicalement différents que ceux en vigueur hier. La nature des enseignes est de se développer : il faut donc que cette expansion passe par un endroit ou un autre. L’international, comme le font La Grande Récré au Royaume-Uni, Picard en Belgique et même la coopérative Beauty Success un peu partout ou le petit Finsbury qui pense à la Chine, est une voie d’avenir.

De meilleures conditions d’exploitation en sont une autre. Le rapport de force entre les propriétaires et les locataires a changé. Désormais, les uns parlent mieux aux autres qu’ils ne le faisaient – conversations avec les princes exclues, naturellement… L’intérêt de ce nouveau face à face n’a rien à voir avec une question d’égo : il tient dans le rétablissement de l’équilibre naturel portant en lui des garanties d’avenir. On avance mieux en se tenant la main qu’en se mettant des bâtons dans les roues ! Quelques illustrations méritent que l’on s’attarde sur elles.

La première est évidemment le retour des conditions locatives à des niveaux plus raisonnables. Suivent : la suppression du droit d’entrée sur la plupart des projets, l’établissement de loyers progressifs sur cinq ou six ans, le financement des travaux, parfois, et un réel tassement des grilles de loyers – sites majeurs exceptés. S’ajoute – voilà qui est nouveau – la baisse de la valeur locative qui s’est littéralement effondrée au cours des six derniers mois. C’est pas dommage ! Entre le premier et le second semestre de l’année, celle-ci a chuté de pratiquement 7 % à 698 € le mètre carré annuel !

Un véritable crack qui atteint essentiellement le droit au bail dont la baisse s’inscrit à plus de 19 % (tension sur les trésoreries oblige) ; le loyer profitant de cette cassure en s’appréciant d’un peu plus de 2 %. De la sorte, le premier ressort à 2 528 €, le second à 445 €. La courbe qui avait enregistré une progression quasi continue depuis dix ans, avait déjà piqué du nez fin 2011. C’était, semble-t-il, un avertissement sans frais… Voilà une rechute marquant sans doute une tendance dont le sens n’échappera à personne.

Disons, pour clarifier les choses, que l’histoire s’écrit sous nos yeux : les clients achètent moins et moins cher, les enseignes louent moins et moins cher, les bailleurs louent plus difficilement et à plus bas prix. Leur position, qui, hier encore, logeait dans le non-dit, est désormais quasi officielle. Il faut remplir les sites coûte que coûte – y compris en acceptant du variable pur. Certains prennent ça pour une revanche du destin. Les foncières auraient tiré sur la corde et elles n’auraient que ce qu’elles méritent… Inutile-ment méchant : il n’y a pas d’affect dans les affaires et surtout pas dans celles des financiers. Qu’ils ne s’inquiètent pas : la loi du marché fera son office. C’est pourquoi, pour se garantir, certains preneurs (au premier rang desquels H&M, et pas seulement en France) demandent d’asseoir leur bail sur la commercialité du lieu. Je paye si le mall est occupé à 100 % et je tolère un taux de vacance maximum de 85 %. Au-dessous, soit mon loyer est révisé à la baisse, soit je quitte carrément les lieux !

C’est un peu fort, vous avouerez ! Mais aucune des parties ne se laissant abattre, les autres rétorquent en travaillant sur des méthodes originales dont on ne connaît pas encore bien la couleur. Selon l’une d’entre-elles, les quittances s’appuieraient toujours sur un loyer minimum garanti, mais la clause recette serait assise non pas sur l’éventuel surplus du chiffre d’affaires (il faut arrêter de rêver…) mais sur la fréquentation du centre commercial ! En d’autres termes : je fais venir les clients ; charge à toi de transformer le flux en ventes sonnantes et trébuchantes ! Comme au bon vieux temps ! On voit vite que seuls les sites les sûrs d’eux mêmes et dominateurs sont capables de placer une telle formule – au demeurant super-parade à l’évaporation du chiffre d’affaires par Internet. Si un gros bailleur installe un tel mécanisme (pas facile à calibrer), les autres n’auront d’autre choix que de suivre ou, si leur mall n’en a pas les moyens, de revenir au classique loyer fixe des propriétaires d’avant Parly2 ou Cap 3000. Sinon, quoi ? Quelle autre manière de capter le volume des ventes passant par le Web des commerçants pour lequel la galerie marchande n’est qu’un point relais ?

Ne nous y trompons pas : ces changements sont essentiels. Bien plus que de deviner le pourcentage du chiffre d’affaires qui transitera un jour prochain par le Net au lieu de passer par les magasins qui, définitivement, sont très loin de disparaître (à condition, tout de même, de savoir se réformer en termes d’accueil, de qualité, de service… et de communication). Là encore, le changement, comme dirait l’autre, est à la manœuvre. Mais comme l’évolution de l’espèce dessine curieusement les choses, l’issue ne ressemble guère à celle imaginée au départ. Pour prendre un autre exemple, on avait cru, en effet, que le droit de se retirer d’une association permettait au détaillant d’économiser sur ses charges, à tout le moins de les négocier durement.

Le principe reste vrai, comme le montre le va et vient des jurisprudences, le principe de restitution étant appliqué à Mondeville et à 95 % à Val d’Europe ; mais faux à Amiens Sud où la Cassation a renvoyé les parties devant la cour d’appel qui avait validé le non-paiement des cotisations. C’est à n’y rien comprendre, sauf pour quelques juristes avertis – et encore. Tous les autres, bailleurs et enseignes, auront parfaitement compris, au contraire. C’est la raison pour laquelle, hardi petit, les propriétaires mettent en place des fonds marketing – non plus cotisation mais prélèvement direct s’ajoutant au taux d’effort. Au train où vont les choses, ce sont eux qui demain feront la loi. A 100 %. Dommage pour le lien social entre commerce et promotion, certes. Mais tant mieux pour la maîtrise de la communication ; et tant mieux encore pour la productivité des enseignes qui se contenteront de payer au lieu de passer des heures dans les assemblées stériles de commerçants. La guerre qui au début avait fait rage, a donc cessé ; quelques grands comme Vivarte et Etam, certains qu’ils y avait que des coups à prendre, ayant jeté l’éponge. Le résultat des passes d’armes qui font encore grand bruit dans les prétoires reste passionnant : il ne changera pas la partition qui s’écrit à mesure que sont renouvelés les baux et que sont inaugurées les extensions de galeries marchandes…

C’est peut-être triste, mais l’avenir ne sera plus au partage des risques et de la fortune : il appartient déjà au principe de chacun son métier (et les vaches seront bien gardées, ajoutent les paysans pleins de bon sens !). Agir sur tous les leviers, chercher de nouvelles idées, c’est aussi ce qui a poussé l’une des foncières les plus puissantes, Carrefour Property, à se permettre (autre fois crime de lèse majesté) de proposer à un carré d’indépendants d’acheter certains de ses murs. C’était une condition pour avoir les meilleurs artisans du coin. Ils sont venus et, contre une clause de rachat prioritaire (on n’est jamais trop prudent), vont donc animer le projet de Mondevillage en cours de construction.

La boîte à idées est ouverte. Les enseignes aussi ont les leurs – et non des moindres ! Voilà par exemple que, nonobstant les signatures fermes qu’elles apposent au bas des contrats de location, elles s’en prennent à la commercialité des sites. En gros : vous m’aviez promis le pactole et nous ne voyons passer personne. Vero Moda et Jack&Jones, à Parinor, ont réussi le tour de force de faire dire à la Cour de cassation qu’il s’agissait d’une contestation sérieuse. Il faudra voir sur le fond, mais l’expression est lâchée tandis que presque en même temps et sur un refrain analogue, la Fnac du Millénaire a, elle aussi, baissé son rideau. Ici et là, la responsabilité du bailleur est recherchée, la voie de fait accomplie, puisque l’exploitation est purement et simplement stoppée. Si l’affaire est pendante d’un côté, elle a été sanctionnée de l’autre. Durement, puisque l’Agitateur public a été contraint de rouvrir ses portes sous astreinte de… 20 000 € par jour ! A ce prix là, qui discuterait ? Reste que le débat est lancé. Il y a la manière, certes ; il y a surtout, de nos jours, l’obligation de faire feu de tout bois pour sauver ce qui peut l’être. Peu de monde en parle, mais tout le monde y pense… Pomme de Pain a bien, lui aussi – mais dans les formes – fermé son point de vente de Créteil pour cause de taux d’effort «démesuré».

Faut-il chercher dans cet agacement dont souffrent de nos jours avec les grandes surfaces alimentaires qu’ils abritent les centres commerciaux, la cause de la flambée des pieds d’immeubles ? Rien n’interdit de le penser ! Sans parler des transactions Infinitif-Mac et Quick-Tiffany qui mettent désormais les Champs-Elysées à 17 000-18 000 € le mètre carré, les grands conseils (Jones Lang LaSalle et Cushman&Wakefield) ont constaté que la baisse des taux de ces actifs atteignait des records : 20 % sur le premier trimestre 2012. On est comme un rien dans une fourchette comprise entre 4,25 et 4,50 pour n’importe un endroit un peu bien placé. Logique, si la nature profonde des enseignes est de se développer, il faut qu’elle les fasse d’une manière ou d’une autre : si elles ne s’installent pas ici, elles doivent donc s’installer là…

Là où les droits aux baux se sont tassés, certes, mais où les questions générales du métier demeurent. En particulier celle de l’hystérie des indices de révision qui, à chaque livraison trimestrielle de l’Insee, tournent un peu plus à l’enrichissement sans cause. Avec un + 3,07 % pour les loyers de commerce et + 4,58 % pour le coût de la construction, l’évolution sur une base 2008 s’écrit respectivement à + 7,65 % et + 11,30 %. Alors que les ventes n’ont fait que de chuter. Le moins que l’on puisse dire est que la solidarité, principe le plus galvaudé aujourd’hui, n’y trouve pas son compte…

Voilà, me semble-t-il, de quoi réfléchir pour les mois qui viennent, non pas à un monde meilleur, mais un univers un peu plus équitable entre des parties condamnées à s’entendre et que les pouvoirs publics n’ont jamais pris en compte à leur juste valeur. Et qui, quand ils le font, lui mettent plutôt des bâtons dans les roues, promettant une loi qu’ils ne tiennent pas, disant ensuite (Cf. Sylvia Pinel à l’Assemblée générale du Cdcf de septembre) ne pas en vouloir et (dernières nouvelles de radio moquette) la remettant au bout du compte en chantier par le biais détourné de l’aménagement du territoire.

On peut parier sans trop de risques, que l’objectif sera une fois de plus détourné de son objet social. Le bien public, on s’en balance ; ne compte que le bien politique. Mais bon sang, comment faire pour que les communes cessent un jour de financer leurs budgets par les mètres carrés de commerce ! Y a-t-il seulement un début de réponse à cette question, un homme ou une femme dans ce pays capable de ne pas raisonner sur autre chose qu’une répétition de cette erreur jusqu’à perpette ? A voir dans les équipements de ce type autre chose qu’une vache à lait, autrement dit : une simple sécurité pour les investisseurs, une opportunité de développement pour les distributeurs et un confort pour les consommateurs ?

Heureusement, il y a le dynamisme naturel d’une profession vieille comme le monde. Le commerce, chaque fois qu’on l’imagine au fond du trou, se débrouille pour continuer à parler d’avenir. C’est un vrai bonheur. Il l’a fait merveilleusement au dernier Mapic, avec une densité, un acharnement et une bonne humeur forçant l’admiration des coincés de la crise. Que les développeurs soient davantage venus avec un programme de renégociations de baux existants que de signatures de projets est une évidence. Il n’en demeure pas moins que tout le monde était là et qu’à partir de là tout est permis : 8 600 participants, dont 2 400 enseignes, soit respectivement 6 % et 20 % de plus pour la précédente édition. Si ça, ce n’est pas montrer de la foi en l’avenir, on ne voit pas ce que ça pourrait être !

Alain Boutigny, décembre 2012

Congés : enfin la clarification !

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Parmi les 134 articles de la nouvelle loi « fourre-tout » de simplification du droit du 22 mars 2012, dite loi Warsmann, l’un d’eux est venu retoucher des textes du Code du Commerce régissant le bail commercial. Impact de cette réforme? 

 

Un toilettage bienvenu ! 

Sur le vocabulaire à utiliser… Pour caractériser le régime du bail se poursuivant au-delà de son terme en l’absence de congé ou demande de renouvellement, le qualification de reconduction a été remplace par celui de prolongation. A raison, car le terme reconduction est impropre, en droit. Dans tout acte / courrier, on veillera donc à utiliser le terme prolongation, dorénavant !

Et surtout sur le régimes des congés ! Afin de supprimer toute références aux usages locaux, la loi LME de 2008 est venue modifier l’art. L. 145-9 du C. de Commerce. Il s’agit du texte de base fixant les règles du jeu applicables aux congés, tel pour calculer les délais et la date de réalisation. Mais la rédaction alambiquée et ambiguë du texte, issu de cette réforme, pouvait être source de confusion. Il a en outre été à l’origine de débats entre juristes sur la « dead-line » pour notifier un congé et apprécier la date effective de résiliation, en particulier pour le congé du locataire en cours de bail.

En pratique : nouvelle donne? 

Congé au terme du bail – côté bailleur. L’art. L. 145-9 visait jusqu’ici un « congé pour le dernier jour du trimestre civil et au mois six mois à l’avance ». Pour un bail se terminant p.ex. le 31 mail, un client pouvait ainsi croire (vu en pratique) qu’il était en droit de notifier son congé jusqu’au 31 décembre. Le texte retouché, applicable depuis le 24.03.2012, précise désormais avec clarté qu’un bail cesse par l’effet d’un congé donné six mois à l’avance et qu’il est à défaut tacitement prolongé au-delà du terme fixé. Un ADB prendra à cet égare soin d’informer à temps ses clients sur les délais à respecter. Ainsi, dans notre exemple, le congé doit être signifié avant le 30novembre…

Congé en cours de bail – côté locataire. Au vu des retouches apportées à l’art L.145-9 et des travaux parlementaires, il est enfin acquis que le congé d’un locataire à l’issue d’une période triennale peut/doit être délivré pour les troisième, sixième ou neuvième anniversaires, et non pour le dernier jour du trimestre qui leur fait suite.

Congé après le terme d’un bail. Il est expressément précisé qu’un congé doit être donné au mois six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil au cours de la tacite prolongation. Ainsi, si un locataire notifie son congé un 31mai, son préavis prend effet non le 30 novembre, mais bien le 31 décembre. Il doit son loyer jusqu’à cette date….

Conseil. Côté ADB, c’est aussi à cette date qu’il convient, sur le principe, de programmer la remise des clés et l’état des lieux de sortie.

Que faut-il aussi savoir? 

Demande de renouvellement. Comme par le passé, à défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois précédant l’expiration du bail. Et à défaut, le cas échéant, à tout moment au cours de sa « prolongation »…

Forme des congés. Pour supprimer le superflu de formalisme (sic) et éviter les frais d’huissier, des députés avaient demandé que les congés soient désormais notifiés par LRAR. Leurs amendements ont tous été rejetés, la LRAR étant considérée comme un procédé trop léger (sic) au vu du particularisme du congé d’un bail commercial. Il faut donc continuer d’en passer par un huissier.

S’il faut continuer d’en passer par un huissier pour délivrer congé, le doute généré par le loi LME est définitivement levé : le dernier jour du trimestre civil est seulement à prendre en compte en période de tacite prolongation du bail… 

 

Astuces & Conseils immobilier – Nouvelle loi 25.05.2012