Comment augmenter les loyers commerciaux ?

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Le bail commercial représente un élément capital de la valeur du fonds de commerce. Le législateur s’est employé à concilier les droits du bailleur et du preneur, mais ces derniers, sont par définition contraires. L’augmentation des loyers représente un point caractéristique de cette volonté de conciliation. Le législateur a plafonné les augmentations du loyer afin de garantir les droits du preneur. Cependant, dans le but de conserver l’attrait des baux commerciaux pour les investisseurs, la loi prévoit des hypothèses de déplafonnement.
Optimiser son patrimoine immobilier composé de locaux commerciaux peut constituer une véritable obsession pour le propriétaire qui sait que le principe légal est celui du « plafonnement », c’est-à-dire de l’augmentation suivant l’indice Insee.

Or, qui dit augmentation du loyer dit augmentation de la valeur vénale du bien immobilier. Ne dit-on pas que cette valeur est de 7 à 10 fois le loyer annuel, encore qu’il faille corriger cette méthode simpliste par beaucoup d’autres critères relatifs notamment à l’emplacement et justement la potentialité des locaux à générer une hausse de loyer à terme.

L’audit juridique du patrimoine est donc fondamental. Voici deux ou trois pistes pour se reconnaître dans le maquis institué en l’espèce par le Décret du 30 septembre 1953 ayant institué en France un régime très protecteur des locataires commerçants. A tel point qu’on a pu l’appeler « la propriété commerciale ». Ce décret a été abrogé le 27 mars 2007 lors de l’intégration de la partie réglementaire au Code du commerce. Désormais les dispositions relatives au bail commercial se trouvent aux articles L145-1 et suivants du Code précité.

Principe de base : l’augmentation des indices

A la conclusion du contrat, le montant du loyer est librement fixé. Le législateur impose seulement que le prix soit réel et sérieux. Dès lors, toutes les méthodes de fixation du montant du bail peuvent être utilisées.

  • Le bail commercial est communément appelé « 3, 6, 9 » ce qui signifie :Le propriétaire garantit au preneur au moins 9 ans de bail. A son issue, celui-ci est renouvelé pour une durée minimum de 9 ans. Les parties peuvent décider que la durée du bail renouvelé sera plus longue. A défaut d’accord sur le renouvellement entre les parties, le bail est tacitement reconduit d’année en année, et ce, jusqu’à la survenance d’un accord sur le renouvellement entre les parties.
  • Tous les trois ans, le bailleur peut augmenter le loyer par le mécanisme de la « révision » en principe plafonné aux indices Insee du coût de la construction, ou selon l’indice trimestriel des loyers commerciaux, sauf à invoquer des « motifs » de déplafonnement pour amener le loyer à la «valeur locative», c’est-à-dire les loyers qui sont pratiqués dans le quartier considéré. Toutefois, le contrat peut prévoir une autre fréquence de révision du loyer.
  • Tous les trois ans, le propriétaire peut signer congé avec offre d’indemnité d’éviction pour démolir, reconstruire ou surélever l’immeuble (article L 145-4 du Code du commerce).
  • Au bout des 9 ans, lors du renouvellement, le loyer sera également plafonné sauf démonstration d’un motif de déplafonnement.
  • La durée du bail peut, par l’effet d’une tacite reconduction, excéder 12 ans. Dans ce cas, il sera automatiquement déplafonné à son expiration, en vertu de l’article L145-34 du Code du commerce.
  • Au cas où le bail dispose d’une faculté de révision triennale du loyer, le propriétaire pourra à tout moment sortir du plafonnement aux indices en prouvant une augmentation de plus de 10 % de la « valeur locative » (article L145-38 du Code du commerce).

Pour sortir du « plafonnement », c’est-à-dire fixer le loyer à la valeur du marché, celle de l’offre et de la demande, il faudra que se produise un événement qui va enfin permettre de fixer le loyer normalement, hors des indices Insee du coût de la construction ou que le contrat de bail intègre une clause d’échelle ou de recette. Dans tous les cas, la charge de la preuve du motif du déplafonnement pèse sur le bailleur.

Fixer le loyer à la valeur du marché

Il existe 5 « évènements» qui vont permettre de fixer le loyer à la valeur du marché local :

1. Modifications des facteurs locaux de commercialité

Si l’on dispose d’un bail 3, 6, 9 avec des révisions triennales, on pourra réévaluer le loyer selon la valeur du marché tous les trois ans. A condition que les facteurs locaux de commercialité aient évolué à la hausse de plus de 10 %. Cette hausse pourra être faite lors d’un renouvellement.

Comment prouver que cet événement se réalise?

L’article R145-6 du Code du commerce édicte que « les facteurs locaux de la commercialité dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier, de la rue ou il est situé, […] de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire. » Ces critères peuvent être par exemple :
– l’augmentation de la clientèle du commerce par construction d’immeubles avoisinants ;
– la rénovation du quartier ;
– la création d’un nouvel arrêt d’autobus, de train ou de métro ;
– la création d’un quartier piétonnier ;
– l’ouverture d’une galerie marchande ;
– l’augmentation des possibilités de stationnement ou de circulation ;
– l’arrivée de «grandes enseignes» générant un nouveau flux de consommateurs potentiels.
La Cour de cassation précise que les modifications des facteurs locaux de commercialité doivent présenter un intérêt pour le commerce considéré. Ainsi, une implantation massive de commerce d’alimentation n’aura pas d’incidence sur une bijouterie de luxe.
Cependant ces critères sont très subjectifs et leur mise en œuvre peut donner lieu à des litiges. C’est pourquoi, seuls les experts immobiliers, conseils en gestion de patrimoine, avocats spécialistes, autant d’acteurs qui disposent des informations locales essentiellement judiciaires répertoriées dans diverses revues juridiques qui compilent les Jugements du Juge des Loyers Commerciaux ou de la Cour d’Appel peuvent estimer que tel quartier ou telle rue sont « déplafonnables ».

Les Juges sont parfois bienveillants puisqu’ils se rendent compte que le système instauré en France est extrêmement protecteur par rapport à ce qui se passe chez nos voisins européens.

Toutefois, une question reste sans solution : qu’advient-il du loyer quand les facteurs locaux de commercialité entraînent une baisse de plus de 10 % de la valeur locative du local ? Le preneur peut-il légitimement solliciter une baisse de loyer sans prendre en compte le plafond légal ?
Dans un premier temps, la jurisprudence a admis qu’en cas de hausse de l’indice, le loyer ne pouvait être révisé à la baisse, sauf en cas d’évolution négative des facteurs locaux de commercialité. Cette position peut être illustrée par un arrêt rendu le 16 avril 1973 rendu par la Troisième chambre civile de la Cour de cassation. Ensuite, la haute juridiction a considéré que la hausse de l’indice du coût de la construction ne fait pas obstacle à une baisse de loyer, dès lors que la valeur locative a elle-même évolué de manière négative. Cette décision confirme que la baisse des facteurs locaux de commercialité peut conduire à une réduction du loyer. Elle va même plus loin, en admettant que dans l’hypothèse où la valeur locative baisse alors que l’indice pris en compte augmente, le preneur est légitime à demander une réduction de loyer.
Les investisseurs mécontents de cette mesure ont agit auprès du législateur et la loi Murcef du 11 décembre 2001 a prévu de clarifier la situation. Cependant, si la question de la baisse du loyer plafonné est encore largement discuté en doctrine, l’article L145-38 affirme qu’en cas de baisse des facteurs locaux de commercialité de plus de 10 % le loyer peut être déplafonné et révisé à la baisse.

2. La modification des conditions de bail

On ne peut modifier les termes d’un bail commercial durant son cours ou même lors de son renouvellement, sauf accord des deux parties.

Si le locataire demande une extension en cours de bail, il est possible de convenir avec celui-ci que le loyer sera fixé à la valeur locative. Dans ce cas,l’accord des deux parties sera consacré dans un avenant de bail. De même si une autorisation de sous-location est consentie, ou s’il existe une modification notable des conditions du bail.

Un arrêt rendu par la Cour de Cassation le 13 juillet 1999 a ainsi jugé que le triplement au cours du bail de l’impôt foncier pesant sur le bailleur permet un déplafonnement du prix du loyer.

Preuve que les Juges sont parfois bienveillants…

Autre cas dans lequel le propriétaire peut déplafonner : si l’on prouve qu’en raison des liens familiaux ou d’amitié ayant existé entre le bailleur et son locataire, le loyer d’origine a été minoré : c’est souvent le cas d’un bail conclu entre deux époux qui divorcent ultérieurement ou d’une SCI qui loue à une société commerciale d’exploitation qui ont les mêmes animateurs puis se fâchent au cours du bail. Néanmoins, cette preuve peut être difficile à apporter, et les services fiscaux peuvent voir dans la demande de déplafonnement un motif de redressement.

3. La déspécialisation

Dans cette hypothèse l’initiative appartient au preneur, mais elle a pour effet d’autoriser le bailleur à lui demander une augmentation de loyer non soumise au plafonnement.
Deux types de déspécialisation peuvent être rencontrés.

D’une part, la déspécialisation simple. Dans ce cas, le preneur adjoint à son activité initiale une activité connexe qui peut, à terme, lui permettre d’engranger plus de bénéfices que son activité d’origine. Il est simplement tenu d’en informer le propriétaire qui ne peut pas refuser. Ce dernier peut, lors de la révision triennale suivant la déspécialisation simple, tenir compte de cette activité connexe pour fixer un nouveau loyer. Cette disposition est prévue à l’article L145-47 du Code du commerce. Le propriétaire peut en cours de bail en raison de la déspécialisation augmenter le loyer, mais cette demande est soumise à un accord commun et il est fort à parier que le preneur refuse cette augmentation. L’accord des deux parties sera constaté dans un avenant au bail lors du renouvellement.

D’autre part, la déspécialisation peut être renforcée. Dans cette hypothèse, le preneur souhaite soit changer d’activité, soit adjoindre une activité différente à son activité initiale. Le preneur doit en avertir son bailleur, ainsi que les créanciers ayant pour gage le fonds de commerce. Le bailleur n’est pas tenu d’accepter cette déspécialisation, son silence valant acceptation de cette déspécialisation.

Le bailleur peut, en contrepartie de son accord, augmenter le loyer sans tenir compte des plafonds légaux comme l’a confirmé un arrêt rendu le 24 juin 1992 par la Troisième chambre civile de la Cour de cassation. De même, si le bailleur établit que la déspécialisation est source d’un préjudice pour lui, il peut obtenir du juge des dommages-intérêts. Les créances qui grevaient le fonds d’origine, sont alors reportées sur le nouveau fonds.

4. La modification de la consistance des locaux

Si le propriétaire prouve, qu’au cours du bail, la surface des locaux a augmenté dans des proportions « notables », le propriétaire peut prétendre au déplafonnement.

Idem si les travaux d’amélioration de l’immeuble ou des locaux loués ont été effectués. Cependant, un arrêt rendu le 9 juillet 2008 par la chambre commerciale de la Cour de cassation exige que les améliorations autorisant le propriétaire à un déplafonnement doivent avoir une incidence favorable sur l’activité du locataire. Dès lors, il faut que les travaux d’amélioration soient notables et aient un impact économique favorable sur l’activité du locataire. En l’espèce, les travaux effectués par le propriétaire étaient relatif au confort de l’immeuble : ravalement des façades, pose de digicode, installation d’un ascenseur. Le titulaire du bail exerçait une activité d’enseignement. Dans ce cas les juges ont considérés que « les enfants s’inscrivaient en raison essentiellement de la réputation de l’école ». Dès lors, les travaux n’avaient aucune incidence favorable sur l’activité du preneur.

Les travaux d’améliorations peuvent être financés par le bailleur, mais aussi par le preneur. Dans ce dernier cas la situation peut être plus délicate. En effet, le preneur a déjà supporté les frais des travaux d’amélioration constituant une modification notable des caractéristiques du local, et à l’expiration de son bail le propriétaire lui impose un déplafonnement de son loyer. Face à cette situation le législateur prévoit que le bailleur ne peut demander le déplafonnement qu’à compter du deuxième renouvellement. Ce délai court à partir de la date de réalisation des travaux. Toutefois, le bail peut prévoir des dispositions différentes. Il faut simplement prouver qu’il ne s’agit pas de travaux d’aménagement mais véritablement d’amélioration. Il est donc essentiel au moment de l’acquisition d’un local commercial de connaître l’historique des travaux qui ont pu être réalisés par les uns ou par les autres et qui vont permettre de faire jouer le déplafonnement s’ils ont été réalisés une vingtaine d’années plus tôt.

Autre situation pouvant se présenter : celle dans laquelle le preneur et le bailleur ont tous deux participé aux frais engendrés par les travaux. Cette participation peut se traduire par un apport de trésorerie, par un abattement ou une franchise de loyers, par exemple. Dans ce cas, le bailleur bénéficiera du déplafonnement des loyers lors du premier renouvellement suivant la date de réalisation des travaux.

5. Clause d’échelle mobile ou de recette

Les parties peuvent choisir d’insérer dans le contrat des clauses d’échelle mobile, c’est-à-dire que le loyer est indexé sur un indice en relation directe avec l’objet du bail ou avec l’activité de l’une des parties. Le contrat peut également prévoir une clause de recette. Cette dernièreest souvent contenue dans les baux de locaux se situant dans des centres commerciaux, une partie du loyer comportant un élément variable en fonction du résultat de l’exploitation de l’entreprise locataire.

L’article L 145-39 du Code du commerce prévoit que si le bail contient une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix antérieurement fixé contractuellement ou judiciairement. Dans ce cas, les parties choisissent d’un commun accord un indice de référence, et peuvent soumettre le loyer à une révision très régulière selon la variation de l’indice. En effet, chaque fois que l’indice augmente ou diminue de plus d’un quart par rapport au prix antérieurement fixé, une des deux parties peut demander l’augmentation ou la diminution sans que la fréquence du renouvellement puisse lui être opposée. Toutefois, cette adaptation mécanique du loyer peut conduire à fixer un loyer supérieur à celui qui résulterait de l’indexation. Dee même, le loyer peut, au gré des augmentations, dépasser la valeur locative. Le président du tribunal de grande instance peut alors être saisi en cas de litige. Il peut alors adapter les effets de la clause d’indexation à la valeur locative.

Les parties peuvent également insérer dans le contrat une clause de recette. Cette dernière permet aux parties de faire varier tout ou partie du loyer en fonction du résultat ou du chiffre d’affaire de l’exploitation de l’entreprise locataire. Elle permet à l’exploitant de bénéficier lors de son installation d’un loyer faible, et au bailleur de profiter du développement de son activité par la suite. La jurisprudence a précisé que ce type de clause fait obstacle au mécanisme de révision triennale du loyer.

Le statut des baux commerciaux est finalement peut être plus avantageux pour le propriétaire que le statut des baux d’habitation puisque dans ce dernier il est difficile d’augmenter les loyers. Le système du «déplafonnement» étant encadré dans des strictes limites à la fin du bail, les opérateurs immobiliers estiment qu’investir dans des locaux commerciaux est plus avantageux que dans des locaux d’habitation, mis à part les effets fiscaux

Le grand intérêt d’investir dans un bail d’habitation réside dans la possibilité pour le propriétaire de donner congé pour vente (ou pour reprise personnelle) à l’issue du bail sans avoir à verser l’indemnité d’éviction.

En attendant une hypothétique disparition du statut des baux commerciaux, l’investissement dans les boutiques, bureaux ou entrepôts dispose encore de beaux jours devant lui…

Olivier J.BRANE, avocat honoraire, spécialiste en Droit Immobilier

Réponse tardive à une demande de renouvellement

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La réponse tardive à une demande de renouvellement ne prive pas le bailleur de la fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé

Si le bailleur qui a répondu tardivement à une demande de renouvellement émanant du preneur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement, il n’est pas privé du droit de demander la fixation d’un nouveau loyer.

Une demande de renouvellement fait courir un délai de trois mois permettant au bailleur de prendre position, et trois hypothèses doivent être envisagées :

– celle où le bailleur accepte le renouvellement du bail dans le délai : il a donc intérêt à signifier dans le délai le montant du loyer qu’il entend obtenir, faute de quoi la majoration éventuelle du prix ne prendra effet qu’à la date de sa demande ultérieure, conformément à l’article L 145-11 du code de commerce,

– celle où le bailleur refuse le renouvellement avec ou sans offre de payer l’indemnité d’éviction dans le délai de trois mois : il appartient alors aux parties de faire fixer les indemnités d’éviction et d’occupation,

– enfin, l’hypothèse où le bailleur ne répond pas dans le délai de trois mois : il est alors simplement réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail.

En l’espèce, la Cour de cassation censure le juge du fond qui avait estimé qu’à défaut d’avoir répondu dans le délai de trois mois de la demande de renouvellement, le bail se poursuivait entre les parties aux charges et conditions du bail expiré.

Dans la mesure où le bailleur avait notifié son mémoire dans le délai de deux ans à compter de la date d’effet du renouvellement, il convenait de faire application des dispositions de l’article L 145-11 du code de commerce. Une réponse tardive à une demande de renouvellement n’implique nullement la privation du bailleur de faire fixer judiciairement le montant du loyer du bail renouvelé, sous réserve de notifier son mémoire dans le délai de prescription biennal. Cependant, la majoration de loyer ne sera exigible qu’à compter de la demande qui en est faite ultérieurement par le bailleur, soit en l’espèce à compter de la notification de son mémoire  (Cass. 3e civ., 4 mai 2011, n° 10-15473).

AUTEUR

Charles-edouard-brault
Charles-Edouard Brault
Avocat à la Cour – Cabinet Brault & Associés

Valeur locative et décapitalisation des prix de cession

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Ayant retenu que le bailleur citait des références de valeurs locatives reposant sur une méthode intégrant la décapitalisation du droit au bail et n’établissait pas que les sommes qui avaient été versées au précédent locataire, et non aux bailleurs, correspondait à des suppléments de loyer et que la méthode qu’il proposait n’intégrait pas le caractère d’immobilisation du droit au bail que le locataire pouvait récupérer lors de la vente de son fonds, la cour d’appel a souverainement fixé la valeur locative des biens donnés à bail sans retenir cette méthode.

Par cet arrêt, la Cour de cassation apporte une précision sur les critères d’appréciation de la valeur locative énoncés par l’article L 145-33 du code de commerce dans le cadre du renouvellement d’un bail.

L’article R 145-7 du même code ne permet pas de déterminer si l’élément de comparaison de la valeur locative doit être constitué par le seul loyer effectivement payé par le preneur, et s’il faut également prendre en compte le droit d’entrée initialement versé ou l’incidence de prix de cession du droit au bail.

Cette question fait l’objet d’importantes controverses, même s’il est admis que la fixation du loyer du bail renouvelé doit prendre en compte les loyers de marché, les loyers de baux renouvelés amiablement et les fixations judiciaires.

Un bail peut naturellement prévoir les modalités d’appréciation du loyer de renouvellement, qui peut donc conventionnellement tenir compte des seuls prix de marché, mais la loi ignore l’existence d’une valeur locative de marché et d’une valeur judiciaire.

Les critères d’appréciation de la valeur locative relèvent du pouvoir souverain du juge du fond qui adopte le mode de calcul qui lui paraît le plus approprié, tandis que certains experts intègrent dans les éléments de référence de la valeur locative la décapitalisation des prix de cession de droit au bail, et ce en sus du loyer conventionnellement prévu.

Dans cette espèce, le bailleur avait fourni des références de valeurs locatives selon la méthode intégrant la décapitalisation du droit au bail, faisant dès lors apparaître des prix très supérieurs à l’estimation expertale.

La cour d’appel avait rejeté cette démarche au motif que le bailleur ne pouvait établir que les droits au bail de ces références correspondaient à des suppléments de loyer alors que l’expert avait relevé que les sommes avaient été versées au précédent locataire et non au bailleur, la méthode proposée n’intégrant pas le caractère d’immobilisation du droit au bail que le locataire peut récupérer lors de la vente de son fonds.

La Cour de cassation rejette le pourvoi du bailleur en soulignant que la cour d’appel avait souverainement fixé la valeur locative sans retenir la méthode proposée par le bailleur.

Le fait d’intégrer la décapitalisation des prix de cession de droit au bail appelle nécessairement des réserves lorsqu’il s’agit de déterminer la valeur locative de renouvellement, même si cette démarche paraît admissible lorsqu’il s’agit de calculer la valeur du droit au bail dans le cadre de l’appréciation de l’indemnité d’éviction.

En l’état de cet arrêt, on doit donc considérer que la prise en compte par décapitalisation du prix de cession ne correspond pas aux modalités de fixation de loyer telles qu’elles découlent des critères imposés par l’article R 145-7 du Code de commerce  (Cass. 3e civ., 31 mai 2011, n° 10-18662).

AUTEUR

Charles-Edouard Brault – Avocat à la Cour – Cabinet Brault Associés