Les garanties concédées par les preneurs

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Historiquement, l’avantage des centres commerciaux sur les pieds d’immeubles et le centre-ville tenait dans l’absence de droit d’entrée-droit au bail. C’était le succès de premiers sites. Ils ont fait la fortune des propriétaires – et des enseignes ! Depuis, l’eau a coulé sous les ponts… Entre les droits aux baux et les déspécialisations, le dogme en avait déjà pris un coup. La sécurisation des actifs a conduit les foncières actuelles à pousser le bouchon plus loin. Les garanties demandées aux enseignes – et acceptées – vont désormais au-delà – très au-delà…

Souvenez-vous, lorsque vous étiez en classe primaire, il vous a été enseigné que certains calculs pouvaient être poursuivis jusqu’à ….
Difficile pour certains d’accepter cette impossibilité de tout saisir, de tout contrôler. L’angoisse peut, éventuellement, vous saisir. Les juristes que nous sommes, seulement forts en thème et non en arithmétique, ont toujours bien vécu cette situation, notamment avec le commerce.
Cependant, il faut constater que nos foncières, nos banquiers, souvent formés dans les grandes écoles ou la mathématique était la discipline première, souhaitent en permanence combler les vides. Ils ont donc peur du risque et, pour limiter leurs angoisses, notamment du non recouvrement des loyers, ils multiplient à l’infini les garanties que doivent leur accorder les locataires.

I – La numérotation dans tous ses états

1 – Le dépôt de garantie
A l’origine, tout était très simple pour garantir le contrat et son exécution, il suffit d’insérer une clause de garnissement (aménagement et stock) et un dépôt de garantie. Le dépôt de garantie correspondait à deux mois de loyer.
Dans la mesure où le loyer était à terme échu, le calcul était simple en matière de trésorerie
+ 2 – 1 = 1.

Finalement, les propriétaires ont souhaité modifier très simplement la donne en passant d’un loyer à terme échu à un loyer à terme à échoir.
Changement de calcul : + 2 + 1 = 3.

Les vertus de la trésorerie ont finalement été reconnues et pour respecter les dispositions de l’article 145-40 du Code de Commerce ou, plus exactement, afin de ne pas payer un intérêt au profit du locataire, il a été imaginé non plus un loyer mensuel, mais trimestriel. Dès lors, le calcul devenait : + 6 + 3 = 9.

Les plus malins se sont inscrits dans des loyers semestriels. Rares sont les sociétés de distribution françaises qui ont accepté ce type de mécanisme. Cependant, lorsque les locaux sont situés dans les meilleures artères (Saint-Honoré, Avenue Montaigne), le calcul deve-nait : + 12 + 6 = 18.

Depuis quelques mois, toujours dans leurs angoisses, les foncières réclament un dépôt de garantie Ttc. Très compliqué, puisque le dépôt de garantie a pour objet de couvrir le non-paiement du loyer et il est vrai que dans une telle hypothèse, le loyer Ht devient Ttc et les trois mois de garantie peuvent être considérés comme réduits à hauteur de la Tva, soit – 19,6 %. Cette disposition relève finalement d’un arrêt d’un ancien du Conseil d’Etat, à savoir Comité Propagande de la Banane (1979).

Cependant, le risque fiscal tant pour le bailleur que pour le locataire paraît important, puisque aucune prestation n’a été effectuée et, pour autant, le preneur serait en droit de déduire de la Tva, alors que le bailleur se devrait de la reverser. Compte tenu des sommes appelées au titre du dépôt de garantie et de l’éventuelle déduction afférente à la Tva, les locataires seront inspirés de réclamer auprès de leur bailleur des lettres de confort en cas de con-trôle fiscal.

2 – Les garanties contractuelles et financières
C’est certain, lorsque l’on ne fait pas confiance, on recherche de nouvelles garanties.
– Les premières étaient les moins coûteuses,
à savoir les garanties maison-mère. Une simple lettre de l’établissement ou de la holding permettait de couvrir, en accessoire, le non-paiement d’un loyer. Engagement hors bilan,
à moindres frais, si ce n’est le retraitement par le comptable et l’information par le commissaire aux comptes d’une telle garantie.
– Les secondes étaient accordées par le banquier du locataire, à savoir une garantie bancaire. Si elles n’étaient pas cumulées avec un dépôt de garantie, ceci pourrait être acceptable dans la mesure où le coût était bien moins élevé que la trésorerie déposée sur les comptes du bailleur. Rapidement, il a été considéré que la mise en œuvre de telles garanties était terriblement compliquée et qu’elle nécessitait des aménagements.
– La Garantie à Première Demande (Gapd)
Dans une telle hypothèse, le banquier doit, quoi qu’il arrive, payer sans qu’aucune discussion ne puisse être acceptée par le bailleur. Ce côté mécanique plaît beaucoup aux foncières. Ce-pendant, rapidement les propriétaires ne se sont pas limités au simple loyer, mais aussi aux charges, aux intérêts, … Les banquiers se sont finalement opposés à de tels mécanismes qui ne permettaient pas de connaître l’étendue et la durée exactes des engagements pris en faveur de leurs clients.

II – De l’infini à zéro

1 – La quadrature du cercle
C’est une Lapalissade que de rappeler le coût financier de tels engagements que ce soit un dépôt de garantie, une garantie bancaire, une Gapd, etc …
L’abandon, la restitution de tous dépôts de garantie permettraient aux locataires de financer des opérations d’investissement ou de communication, afin de retrouver du trafic et des flux de clients lesquels, aujourd’hui, font gravement défaut. Les foncières anglaises, compte tenu d’une baisse profonde de la consommation, s’inscrivent déjà dans une politique de restitution des dépôts de garantie. En outre, les Gapd, dont la teneur ne cesse de croître en termes d’engagement, sont données par des établissements financiers qui sont souvent eux-mêmes actionnaires de ces foncières. Finalement, ces garanties ne font que garantir indirectement leurs propres engagements. Seul le commerce souffre d’une telle politique financière.

2 – La courbe asymptotique
En pratique, lors de la sortie d’un local, que ce soit dans le cadre d’un congé fin de bail ou même d’une quelconque cession, force est de constater que le preneur connaît de grandes difficultés pour obtenir la restitution de son dépôt de garantie ou même de tous les engagements bancaires. Traditionnellement, on lui oppose d’abord des charges qui n’auraient pas été appelées et pour lesquelles il demeurerait redevable. Puis, il est fait état d’éventuels travaux lors de la restitution de la coque. Enfin, le service comptable de la foncière invente toutes sortes de difficultés internes ou externes, afin de conserver le plus longtemps possible le dépôt de garantie et percevoir ainsi les intérêts.
Par ailleurs, les preneurs peuvent être inquiets sur le sort de leur dépôt de garantie en présence d’un propriétaire qui, lui-même, connaît de graves difficultés. A l’exception de quel-ques organismes rattachés aux foncières, tous les professionnels de l’immobilier envisagent à court terme la fermeture de galeries ou leur déshérence.
Quels seront les recours possibles aux fins d’obtenir la restitution des dépôts de garantie ?

Ne faudrait-il pas, aujourd’hui, puisque de nombreuses foncières vendent leurs actifs, refuser dans les clauses du bail que les garanties accordées au premier bailleur ne puissent pas être transmises au cessionnaire ? Ainsi,
et comme le prévoient de nombreuses clauses du bail, les garanties accordées devraient être intuitu personae au profit du propriétaire, signataire du bail.

Pour conclure, il paraît, pour le moins paradoxal, que ceux-là même qui critiquent la lourdeur de l’économie française et revendiquent la souplesse et la liberté dans le fonctionnement du commerce soient les premiers à réclamer des garanties à leur profit. A priori, nous allons ranger nos dictionnaires de latin/grec pour reprendre nos tables de trigonométrie, peut-être qu’ainsi nous comprendrons mieux les attentes de nos chers bailleurs.

AUTEUR: Par Gilles Hittinger-Roux et Corinne de Prémare, associés au Cabinet H.B

Chute de la Valeur Locative & Droit au Bail

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Associations et fonds marketing, responsabilité du bailleur dans la bonne marche des galeries marchandes, prise en compte de la fréquentation pour le calcul du loyer variable, flambée du pied d’immeuble mais baisse globale des valeurs locatives, explosion des indices de révision des baux, complexité grandissante de la réglementation de l’urbanisme commercial : sans que cela ressemble à une révolution, l’immobilier de commerce réinvente actuellement ses règles au jour le jour. Chaque instant qui passe l’éloigne des principes qui le régissaient depuis une quarantaine d’années. Assurément, demain sera plus dur, laissant moins de place à la fantaisie.

Pour un peu on croirait que rien ne change… Et pourtant, la modification des structures dans lesquelles opèrent les intervenants de l’immobilier de commerce n’a, en progressant jour après jour, peut-être jamais autant évolué depuis des lustres. Des forces immenses pèsent sur un marché pris entre l’arbre de la baisse des ventes et l’écorce de la dématérialisation représentée par Internet et ses avatars, terminaux mobiles et tablettes en tout genre.

On sait, parce que ce canal représente déjà 7 % du chiffre d’affaires, tous secteurs confondus (et malgré une bonne moitié de billetterie-voyage), la surcapacité du nombre de mètres carrés de vente. Inévitablement, il s’en suivra de la casse : les mauvais emplacements et les médiocres malls produiront des friches, squelettes desséchés des Trente Glorieuses. Cette perspective n’est plus tabou… Il faudra se faire à un arbitrage de cette nature. Un jour ou l’autre – pas si lointain – les piètres sites et les tristes commerçants devront passer la main !

Les crises sont des aspirateurs à poussières… Et des podiums sur lesquels montent ceux qui ne se laissent pas abattre. Tout un chacun sait que le monde n’aura pas la même allure dans quelques années et que la reprise s’appuiera sur des principes radicalement différents que ceux en vigueur hier. La nature des enseignes est de se développer : il faut donc que cette expansion passe par un endroit ou un autre. L’international, comme le font La Grande Récré au Royaume-Uni, Picard en Belgique et même la coopérative Beauty Success un peu partout ou le petit Finsbury qui pense à la Chine, est une voie d’avenir.

De meilleures conditions d’exploitation en sont une autre. Le rapport de force entre les propriétaires et les locataires a changé. Désormais, les uns parlent mieux aux autres qu’ils ne le faisaient – conversations avec les princes exclues, naturellement… L’intérêt de ce nouveau face à face n’a rien à voir avec une question d’égo : il tient dans le rétablissement de l’équilibre naturel portant en lui des garanties d’avenir. On avance mieux en se tenant la main qu’en se mettant des bâtons dans les roues ! Quelques illustrations méritent que l’on s’attarde sur elles.

La première est évidemment le retour des conditions locatives à des niveaux plus raisonnables. Suivent : la suppression du droit d’entrée sur la plupart des projets, l’établissement de loyers progressifs sur cinq ou six ans, le financement des travaux, parfois, et un réel tassement des grilles de loyers – sites majeurs exceptés. S’ajoute – voilà qui est nouveau – la baisse de la valeur locative qui s’est littéralement effondrée au cours des six derniers mois. C’est pas dommage ! Entre le premier et le second semestre de l’année, celle-ci a chuté de pratiquement 7 % à 698 € le mètre carré annuel !

Un véritable crack qui atteint essentiellement le droit au bail dont la baisse s’inscrit à plus de 19 % (tension sur les trésoreries oblige) ; le loyer profitant de cette cassure en s’appréciant d’un peu plus de 2 %. De la sorte, le premier ressort à 2 528 €, le second à 445 €. La courbe qui avait enregistré une progression quasi continue depuis dix ans, avait déjà piqué du nez fin 2011. C’était, semble-t-il, un avertissement sans frais… Voilà une rechute marquant sans doute une tendance dont le sens n’échappera à personne.

Disons, pour clarifier les choses, que l’histoire s’écrit sous nos yeux : les clients achètent moins et moins cher, les enseignes louent moins et moins cher, les bailleurs louent plus difficilement et à plus bas prix. Leur position, qui, hier encore, logeait dans le non-dit, est désormais quasi officielle. Il faut remplir les sites coûte que coûte – y compris en acceptant du variable pur. Certains prennent ça pour une revanche du destin. Les foncières auraient tiré sur la corde et elles n’auraient que ce qu’elles méritent… Inutile-ment méchant : il n’y a pas d’affect dans les affaires et surtout pas dans celles des financiers. Qu’ils ne s’inquiètent pas : la loi du marché fera son office. C’est pourquoi, pour se garantir, certains preneurs (au premier rang desquels H&M, et pas seulement en France) demandent d’asseoir leur bail sur la commercialité du lieu. Je paye si le mall est occupé à 100 % et je tolère un taux de vacance maximum de 85 %. Au-dessous, soit mon loyer est révisé à la baisse, soit je quitte carrément les lieux !

C’est un peu fort, vous avouerez ! Mais aucune des parties ne se laissant abattre, les autres rétorquent en travaillant sur des méthodes originales dont on ne connaît pas encore bien la couleur. Selon l’une d’entre-elles, les quittances s’appuieraient toujours sur un loyer minimum garanti, mais la clause recette serait assise non pas sur l’éventuel surplus du chiffre d’affaires (il faut arrêter de rêver…) mais sur la fréquentation du centre commercial ! En d’autres termes : je fais venir les clients ; charge à toi de transformer le flux en ventes sonnantes et trébuchantes ! Comme au bon vieux temps ! On voit vite que seuls les sites les sûrs d’eux mêmes et dominateurs sont capables de placer une telle formule – au demeurant super-parade à l’évaporation du chiffre d’affaires par Internet. Si un gros bailleur installe un tel mécanisme (pas facile à calibrer), les autres n’auront d’autre choix que de suivre ou, si leur mall n’en a pas les moyens, de revenir au classique loyer fixe des propriétaires d’avant Parly2 ou Cap 3000. Sinon, quoi ? Quelle autre manière de capter le volume des ventes passant par le Web des commerçants pour lequel la galerie marchande n’est qu’un point relais ?

Ne nous y trompons pas : ces changements sont essentiels. Bien plus que de deviner le pourcentage du chiffre d’affaires qui transitera un jour prochain par le Net au lieu de passer par les magasins qui, définitivement, sont très loin de disparaître (à condition, tout de même, de savoir se réformer en termes d’accueil, de qualité, de service… et de communication). Là encore, le changement, comme dirait l’autre, est à la manœuvre. Mais comme l’évolution de l’espèce dessine curieusement les choses, l’issue ne ressemble guère à celle imaginée au départ. Pour prendre un autre exemple, on avait cru, en effet, que le droit de se retirer d’une association permettait au détaillant d’économiser sur ses charges, à tout le moins de les négocier durement.

Le principe reste vrai, comme le montre le va et vient des jurisprudences, le principe de restitution étant appliqué à Mondeville et à 95 % à Val d’Europe ; mais faux à Amiens Sud où la Cassation a renvoyé les parties devant la cour d’appel qui avait validé le non-paiement des cotisations. C’est à n’y rien comprendre, sauf pour quelques juristes avertis – et encore. Tous les autres, bailleurs et enseignes, auront parfaitement compris, au contraire. C’est la raison pour laquelle, hardi petit, les propriétaires mettent en place des fonds marketing – non plus cotisation mais prélèvement direct s’ajoutant au taux d’effort. Au train où vont les choses, ce sont eux qui demain feront la loi. A 100 %. Dommage pour le lien social entre commerce et promotion, certes. Mais tant mieux pour la maîtrise de la communication ; et tant mieux encore pour la productivité des enseignes qui se contenteront de payer au lieu de passer des heures dans les assemblées stériles de commerçants. La guerre qui au début avait fait rage, a donc cessé ; quelques grands comme Vivarte et Etam, certains qu’ils y avait que des coups à prendre, ayant jeté l’éponge. Le résultat des passes d’armes qui font encore grand bruit dans les prétoires reste passionnant : il ne changera pas la partition qui s’écrit à mesure que sont renouvelés les baux et que sont inaugurées les extensions de galeries marchandes…

C’est peut-être triste, mais l’avenir ne sera plus au partage des risques et de la fortune : il appartient déjà au principe de chacun son métier (et les vaches seront bien gardées, ajoutent les paysans pleins de bon sens !). Agir sur tous les leviers, chercher de nouvelles idées, c’est aussi ce qui a poussé l’une des foncières les plus puissantes, Carrefour Property, à se permettre (autre fois crime de lèse majesté) de proposer à un carré d’indépendants d’acheter certains de ses murs. C’était une condition pour avoir les meilleurs artisans du coin. Ils sont venus et, contre une clause de rachat prioritaire (on n’est jamais trop prudent), vont donc animer le projet de Mondevillage en cours de construction.

La boîte à idées est ouverte. Les enseignes aussi ont les leurs – et non des moindres ! Voilà par exemple que, nonobstant les signatures fermes qu’elles apposent au bas des contrats de location, elles s’en prennent à la commercialité des sites. En gros : vous m’aviez promis le pactole et nous ne voyons passer personne. Vero Moda et Jack&Jones, à Parinor, ont réussi le tour de force de faire dire à la Cour de cassation qu’il s’agissait d’une contestation sérieuse. Il faudra voir sur le fond, mais l’expression est lâchée tandis que presque en même temps et sur un refrain analogue, la Fnac du Millénaire a, elle aussi, baissé son rideau. Ici et là, la responsabilité du bailleur est recherchée, la voie de fait accomplie, puisque l’exploitation est purement et simplement stoppée. Si l’affaire est pendante d’un côté, elle a été sanctionnée de l’autre. Durement, puisque l’Agitateur public a été contraint de rouvrir ses portes sous astreinte de… 20 000 € par jour ! A ce prix là, qui discuterait ? Reste que le débat est lancé. Il y a la manière, certes ; il y a surtout, de nos jours, l’obligation de faire feu de tout bois pour sauver ce qui peut l’être. Peu de monde en parle, mais tout le monde y pense… Pomme de Pain a bien, lui aussi – mais dans les formes – fermé son point de vente de Créteil pour cause de taux d’effort «démesuré».

Faut-il chercher dans cet agacement dont souffrent de nos jours avec les grandes surfaces alimentaires qu’ils abritent les centres commerciaux, la cause de la flambée des pieds d’immeubles ? Rien n’interdit de le penser ! Sans parler des transactions Infinitif-Mac et Quick-Tiffany qui mettent désormais les Champs-Elysées à 17 000-18 000 € le mètre carré, les grands conseils (Jones Lang LaSalle et Cushman&Wakefield) ont constaté que la baisse des taux de ces actifs atteignait des records : 20 % sur le premier trimestre 2012. On est comme un rien dans une fourchette comprise entre 4,25 et 4,50 pour n’importe un endroit un peu bien placé. Logique, si la nature profonde des enseignes est de se développer, il faut qu’elle les fasse d’une manière ou d’une autre : si elles ne s’installent pas ici, elles doivent donc s’installer là…

Là où les droits aux baux se sont tassés, certes, mais où les questions générales du métier demeurent. En particulier celle de l’hystérie des indices de révision qui, à chaque livraison trimestrielle de l’Insee, tournent un peu plus à l’enrichissement sans cause. Avec un + 3,07 % pour les loyers de commerce et + 4,58 % pour le coût de la construction, l’évolution sur une base 2008 s’écrit respectivement à + 7,65 % et + 11,30 %. Alors que les ventes n’ont fait que de chuter. Le moins que l’on puisse dire est que la solidarité, principe le plus galvaudé aujourd’hui, n’y trouve pas son compte…

Voilà, me semble-t-il, de quoi réfléchir pour les mois qui viennent, non pas à un monde meilleur, mais un univers un peu plus équitable entre des parties condamnées à s’entendre et que les pouvoirs publics n’ont jamais pris en compte à leur juste valeur. Et qui, quand ils le font, lui mettent plutôt des bâtons dans les roues, promettant une loi qu’ils ne tiennent pas, disant ensuite (Cf. Sylvia Pinel à l’Assemblée générale du Cdcf de septembre) ne pas en vouloir et (dernières nouvelles de radio moquette) la remettant au bout du compte en chantier par le biais détourné de l’aménagement du territoire.

On peut parier sans trop de risques, que l’objectif sera une fois de plus détourné de son objet social. Le bien public, on s’en balance ; ne compte que le bien politique. Mais bon sang, comment faire pour que les communes cessent un jour de financer leurs budgets par les mètres carrés de commerce ! Y a-t-il seulement un début de réponse à cette question, un homme ou une femme dans ce pays capable de ne pas raisonner sur autre chose qu’une répétition de cette erreur jusqu’à perpette ? A voir dans les équipements de ce type autre chose qu’une vache à lait, autrement dit : une simple sécurité pour les investisseurs, une opportunité de développement pour les distributeurs et un confort pour les consommateurs ?

Heureusement, il y a le dynamisme naturel d’une profession vieille comme le monde. Le commerce, chaque fois qu’on l’imagine au fond du trou, se débrouille pour continuer à parler d’avenir. C’est un vrai bonheur. Il l’a fait merveilleusement au dernier Mapic, avec une densité, un acharnement et une bonne humeur forçant l’admiration des coincés de la crise. Que les développeurs soient davantage venus avec un programme de renégociations de baux existants que de signatures de projets est une évidence. Il n’en demeure pas moins que tout le monde était là et qu’à partir de là tout est permis : 8 600 participants, dont 2 400 enseignes, soit respectivement 6 % et 20 % de plus pour la précédente édition. Si ça, ce n’est pas montrer de la foi en l’avenir, on ne voit pas ce que ça pourrait être !

Alain Boutigny, décembre 2012

Le droit d’entrée est-il en train de disparaître ?

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Invention des années 80, lorsque le toujours-plus menait les politiques d’expansion tant des promoteurs que des distributeurs, le droit au bail est malmené par la crise. Sa justification a-t-elle disparu pour autant ? Doit-il être banni de tous les sites à la fois : sites ex nihilo, extensions, rénovations, lieux de transit… Et s’il ne traduisait tout simplement que l’équilibre entre les commerçants en place – producteurs de la commercialité – et ceux qui les rejoignent ? C’est la question que pose le rédacteur de cette tribune, Maxime Péribère, coprésident d’Accessite, commercialisateur et gestionnaire de plus de 1 000 baux de commerces en galerie marchande.

Inventé dans les années 80, le droit d’entrée s’est assez vite imposé chez les bailleurs comme un des éléments incontournables du processus normal de commercialisation des nouveaux sites commerciaux ou des extensions. Les bailleurs étaient à cette époque, il faut le rappeler, dans une période relativement créative du «toujours plus». Plus de clauses dans les baux, plus de contraintes techniques, plus de charges refacturables, plus de loyers.

Côté enseigne, même volonté cependant de «toujours-plus». Plus de besoins, plus d’ouvertures, plus de chiffres d’affaires et plus de croissance in fine. Pour un site en création, le droit d’entrée venait rémunérer la commercialité future, il anticipait la valeur du fonds de commerce créé et en transférait par anticipation une partie au profit du promoteur qui, après tout, avait œuvré à sa création.

Même démarche pour les extensions de sites, mais sur la base d’une commercialité réelle et préexistante et avec une vertu essentielle pour les commerçants déjà en place : la valorisation indirecte de leur droit au bail. Dernier cas de figure : le droit d’entrée sur des locaux laissés vacants précédemment exploités par une autre enseigne, le plus souvent en compensation des préaménagements présents dans le local, du sol à la climatisation en passant par les vitrines.

Jusque-là, rien de très choquant puisque tant bailleurs que preneurs y ont, pendant des années, trouvé leur intérêt. Mais la crise est passée par là ! Celle-là même qui a modifié la soif d’achat des consommateurs, les performances des boutiques et le rapport de forces entre les acteurs de notre profession.

Le droit d’entrée, au milieu de tout cela, est assez naturellement devenu une variable d’ajustement. Les investisseurs institutionnels, prioritairement concernés par la valorisation annuelle de leur revenu locatif global – cours de Bourse ou rapport annuel oblige -, ont tout concentré sur le loyer, indicateur de performance financière par excellence, qu’il fallait protéger à tout prix. De grandes foncières ont ainsi purement et simplement supprimé les droits d’entrée, mais aussi, pour certaines, les honoraires de commercialisation et certains frais techniques. Focus sur le loyer et rien que le loyer.
Autrefois aux alentours de 24 mois de loyer, le droit d’entrée est aujourd’hui souvent plus proche de la moitié. Il a effectivement disparu de bon nombre de projets, mais au fond, est-ce une bonne chose pour les enseignes ?

Un centre commercial renommé proche du Luxembourg va prochainement lancer la commercialisation de sa troisième tranche avec un droit d’entrée de 12 mois de loyers associé à des valeurs locatives raisonnables. N’est-ce pas après tout une équation proportionnée, respectueuse des nouveaux entrants et des commerçants en place, dont certains sont actuellement en train de valoriser leur fonds de commerce sans difficulté ?
Le droit d’entrée doit-il disparaître ? Le droit d’entrée va-t-il disparaître ? Après tout, pourquoi vouloir trancher aussi sévèrement ? Et si une fois de plus, tout n’était pas tout simplement une question d’équilibre ?

AUTEUR
Maxime Péribère

Bailleurs/preneurs : de nouveaux rapports locatifs ?

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Un balancier : c’est l’image qui incarne le plus justement les rapports entre propriétaires et locataires. Un balancier qui évolue, en temps d’embellie, en faveur du propriétaire et, par temps mauvais, en faveur du locataire. Sur le papier en tout cas… Car une décision récente de la 18e chambre civile du Tribunal de Grande Instance de Paris portant sur la notion de loyer en cours vient contredire cette « règle » non écrite. Une nouvelle ère dans l’histoire des relations bailleurs/preneurs serait-elle en train de s’ouvrir ?

 

Compte-tenu de la baisse des chiffres d’affaires des commerçants, les relations locatives devraient être, en 2012, logiquement plus favorables aux locataires » : Michel Pazoumian, délégué général du Procos (Fédération pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé), en est fermement convaincu. Après quelques années favorables aux propriétaires dans la fixation de leurs loyers, les locataires semblent désormais avoir la main. « Cela dépend des centres commerciaux. Dans les gros formats, il n’y pas de négociation. Mais dans les hypermarchés de périphérie, les renégociations sont moins difficiles que par le passé avec des hausses de 15 % de loyers dans le cadre de renégociations alors qu’il y a quelques années, cette augmentation frôlait les 40 % », détaille Michel Pazoumian. « Les propriétaires ne peuvent ignorer que le monde du commerce rencontre bien des difficultés. Ils semblent plus ouverts à l’écoute sur des sites particulièrement difficiles comme le produit hypermarché avec une quarantaine de boutiques. Depuis 2007, et exception faite d’Odysseum, 80 % des centres commerciaux qui ont ouvert n’ont pas rempli leurs objectifs en termes de chiffres d’affaires », poursuit le délégué général du Procos. Première victoire en 2008 : l’ILC, arraché aux propriétaires, après d’intenses négociations bipartites, mis en oeuvre au moins dans les centres commerciaux. Non-obligatoire, cet indice – qui permet de mieux lisser dans le temps les variations de loyers – est assez peu répandu pour les boutiques de centre-ville où l’ICC reste encore la règle. « L’ILC a introduit de la discipline dans l’évolution des valeurs locatives. Sur onze, c’est le delta entre l’indice des prix à la consommation d’un côté et l’indice du coût de la construction et l’indice des loyers commerciaux qui a fait flamber les loyers, entraînant les difficultés des commerçants », juge Michel Pazoumian.

Centres commerciaux : évolutions comparées de l’ICC, de l’ILC, de l’ICAV et des flux


Source : Procos

Evolution des prix et simulation d’évolution d’un indice loyer au 2e trimestre 2011


Source : Procos

Locataires/propriétaires : 1-0

Sans attendre, les locataires ont multiplié, au cours des derniers mois, des demandes de révision de loyers basées sur l’article L.145-38 du Code de Commerce, pensant pouvoir profiter de la baisse des valeurs locatives. Cet article permet, rappelons-le, à chacune des deux parties, de demander une révision du loyer dès le 3e anniversaire de l’entrée du preneur dans les locaux, du renouvellement du bail ou de l’application d’un nouveau loyer. Le 3e alinéa de cet article encadre la fixation du loyer à l’occasion de la révision triennale en instaurant un principe selon lequel la variation à la baisse ou à la hausse du loyer est limitée à la variation de l’indice trimestriel du coût de la construction publiée par l’Insee mais aussi une exception permettant de fixer, sans aucune contrainte, le loyer révisé à la valeur locative, lorsqu’est apportée la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative. Un point pour les locataires…

« Les preneurs tentent de plus en plus de se comporter comme pendant la crise immobilière des années 1990 avec la loi Murcef en multipliant les demandes de révisions triennales », constateAnne-Sophie Plé, avocate-conseil, real estate group au sein de Clifford Chance. « Il y a quinze ans, les tribunaux avaient suivi les locataires », se souvient l’avocate. Les bailleurs avaient alors organisé la résistance… jusqu’à la révision de la loi Murcef. Dans une décision du 6 février 2008 – baptisée arrêt Bataclan –, la 3e chambre civile de la Cour de Cassation avait précisé que le loyer révisé doit être fixé à la valeur locative dès lors qu’elle se situe en-dessous du plafond légal sans pouvoir toutefois descendre en-dessous du « loyer en cours ». Par ce terme, les locataires ont entendu « dernier loyer fixé conventionnellement ou judiciairement et non dernier loyer facturé ». Tout le débat achoppe sur une question de définition…

« Retenir une telle interprétation du terme loyer en cours dans le cadre d’un bail commercial stipulant une clause d’échelle mobile aurait permis au preneur de bénéficier d’une révision à la baisse du loyer en obtenant son alignement sur la valeur locative, alors même que n’auraient pas été réunies les conditions prévues aux articles L.145-38 alinéa 3 (preuve d’une modification matérielle des locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative) et L.145-39 (variation du loyer de plus de 25 % du fait de la mise en oeuvre de la clause d’échelle mobile) du Code du commerce », explique Anne-Sophie Plé.

Propriétaires/locataires : 1-1

Oui mais voilà. Pas plus tard que le 6 octobre dernier, dans le cadre d’une affaire opposant laSNCF à la société Hansainvest Hanseatische Investment GmbH, une décision de la 18eChambre Civile du Tribunal de Grande Instance de Paris a invalidé une telle interprétation de l’arrêt Bataclan et notamment la notion de « loyer en cours » en déboutant un locataire de sa demande de fixation du loyer révisé à une valeur locative inférieure au dernier loyer facturé. « En l’espèce, le locataire n’alléguait ni ne rapportait aucune preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité. Il n’était pas non plus en mesure de fonder sa demande de révision du loyer à la valeur locative sur les dispositions de l’article L.145-39 du Code du commerce puisque la variation du loyer depuis la prise d’effet du bail, trois ans plus tôt, était inférieure à 25 % », explique Anne-Sophie Plé. Une première à bien des égards…

« Cette décision constitue une première étape rassurante pour les propriétaires qui ont su convaincre un juge de démonter l’argument des locataires. Les bailleurs se réjouiront de la stricte interprétation que le TGI de Paris vient de faire de l’arrêt Bataclan et de la notion de loyer en cours. L’interprétation qui en était proposée par les locataires créait un déséquilibre des relations entre propriétaires et locataires et entraînait un nouvel élément d’insécurité juridique conduisant aux mêmes errements auxquels la loi Murcef du 11 décembre 2001 avait souhaité mettre fin », commente Anne-Sophie Plé. Pour la première fois en effet, une décision tombe en faveur d’un propriétaire. « Ce que recherche un propriétaire, c’est avant tout une stabilité des loyers. Or, un risque de changement de loyer en application de l’article L.145-39 sous l’effet de très fortes indexations est déjà une source d’instabilité », argumente l’avocate associée de Clifford Chance.

« Les impacts de cette décision peuvent être importants. Compte tenu de la période économique, les preneurs ont cru pouvoir engager des procédures de révision légale et obtenir une baisse de loyer lorsque le bail contient une clause d’indexation mais que le loyer indexé n’a pas franchi la barre des 25 %, permettant alors une fixation automatique à la valeur locative selon l’article L 145-39. En l’état de ce jugement, les preneurs ne pourront obtenir une baisse de loyer qu’à la condition de justifier d’une évolution matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de 10 % de la valeur locative, ces conditions étant pour le moins difficiles à réunir. », partage Charles-Edouard Brault, avocat associé, spécialisé en baux commerciaux au sein du Cabinet Brault & Associés.

Locataires/propriétaires : 1 partout, la balle au centre ? Pas si sûr… Cette décision, qui était particulièrement attendue sur la place, fera sans doute l’objet d’un appel et d’une procédure plus longue. Elle devrait également faire école, notamment dans plusieurs tribunaux de province où des décisions comparables sont en passe d’être dénouées. Elle relance, en tout cas, le débat entre propriétaires et locataires. Une nouvelle fois, le balancier est en passe de changer de camp. Une manche a été gagnée par les propriétaires. A quand le prochain revirement de cap ?

Décision du 6 octobre 2011 : un exemple chiffré

Dans le cadre de la révision légale, un arrêt rendu le 24 janvier 1996 (arrêt « Privilèges ») a pris en considération la baisse importante des valeurs locatives à la suite de la crise immobilière, en estimant que le recours à la valeur locative n’exclue pas la fixation du loyer révisé à un prix inférieure au loyer de référence, soit au loyer en vigueur au cours de la période précédente. L’important débat doctrinal et jurisprudentiel qui en a découlé a amené, sous la pression des investisseurs, le gouvernement à intervenir par la loi dite « Murcef » du 11 décembre 2001 en modifiant l’article L 145-38 du Code de commerce. Par un arrêt du 6 février 2008 (arrêt « Bataclan » n° 06-21983 : Gaz. Pal. 2008, jurisp. p. 2523), la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel qui avait retenu que le loyer révisé devait être fixé à la valeur locative dès lors que celle-ci se situait entre le loyer en cours et le loyer plafonné résultant de la variation de l’indice. Selon cette jurisprudence, et en prenant l’exemple d’un bail au 1er août 2005, la problématique était la suivante : – loyer d’origine à la prise d’effet au 1er août 2005 : 200.000 € – demande de révision légale au 1er août 2009, – le loyer plafond implique une majoration selon l’indice de 17,52 %, soit 235.040 € – valeur locative appréciée à dire d’expert : 150.000 € – en l’absence de motif de déplafonnement en révision, le loyer révisé était fixé dans la double limite du prix d’origine et de la variation indiciaire, soit en l’espèce à 200.000 € La difficulté vient de l’interprétation qui devait être donnée à la notion de « loyer en cours » si le bail comporte une clause d’indexation. Faut-il tenir compte, comme prix plancher, du loyer d’origine, ou du dernier loyer contractuel découlant de l’indexation, comme prix plancher ? Dans son jugement du 6 octobre 2011, et alors que l’arrêt « Bataclan » avait été rendu dans une espèce où le bail ne contenait pas de clause d’indexation, la notion de loyer en cours doit correspondre au dernier loyer exigible contractuellement au jour de la révision. Dans notre exemple, le locataire ne peut donc obtenir la fixation du loyer révisé à 200.000 euros, et en l’absence de motif de déplafonnement en révision, le loyer sera fixé à la somme de 235.040 euros.

Les Champs Elysées retrouvent leur place d’artère commercante la plus chère d’Europe

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Selon l’étude annuelle du conseil international en immobilier d’entreprise Cushman & Wakefield, Main Streets Across the World, les douze derniers mois ont confirmé le dynamisme de la plupart des grandes artères commerçantes mondiales.

 

« En dépit de la fragilité du climat économique et du moral des ménages dans de nombreux pays, 81 % des 278 emplacements analysés par Cushman & Wakefield dans 63 pays ont enregistré une hausse ou une stabilité de leur valeur locative contre 66 % en 2010 » annonce Christian Dubois, directeur général de Cushman & Wakefield France.

Plusieurs facteurs ont joué en faveur du marché de l’immobilier de commerces dans le monde. La sortie de crise et l’accélération de la croissance économique constatée à la fin de 2010 et au début de 2011 ont permis le retour au vert de plusieurs indicateurs, et notamment l’amélioration du marché de l’emploi ou du climat des affaires. Si ce regain risque de faire long feu, comme le laisse craindre l’exacerbation de la crise de la dette souveraine au cours d’un été particulièrement agité, il n’en a pas moins contribué à la croissance générale des valeurs locatives. Confirmant que le pire était bien derrière nous, la publication des bons résultats de plusieurs grands groupes, dans le secteur du luxe comme dans celui du mass-market, a notamment coïncidé avec l’accélération du rythme d’ouverture de leurs boutiques. Comme l’an passé, cette évolution a profité en priorité aux meilleurs emplacements des grandes artères mondiales, qui continuent de bénéficier de la volonté des enseignes de limiter les risques associés à une ouverture et de tirer parti de l’effet vitrine que leur offre une telle implantation. « La polarisation du marché de l’immobilier de commerces ne s’est donc pas démentie, accentuant la distinction entre des emplacements n°1 dont la rareté pousse les valeurs locatives à la hausse et des emplacements secondaires fragilisés par les stratégies de rationalisation des enseignes et par l’essor du e-commerce » explique Christian Dubois.

L’accentuation des tendances observées l’an passé n’a pas bouleversé la donne aux premières places du classement des grandes artères commerçantes mondiales. La 5e Avenue à New York, dont la valeur locative a augmenté de 21,6 % au cours des douze derniers mois, est l’artère la plus chère du monde pour la dixième année consécutive, devant Causeway Bay à Hong Kong (+ 16,7 %) et Ginza à Tokyo (+ 8,7 %), qui reste sur le podium en dépit de la catastrophe qui a affecté l’archipel japonais en mars dernier. Le top 10 mondial a toutefois connu deux évolutions significatives : le bond de 33,3 % de la valeur locative prime de Pitt Street Mall à Sidney fait passer cette dernière de la 9ème à la 4ème place du classement tandis que la progression certes plus modeste de 5,3 % de la valeur locative des Champs-Elysées permet à l’avenue parisienne de retrouver son statut d’artère commerçante la plus chère d’Europe devant New Bond Street à Londres. Contrastant avec la baisse de 9,5 % enregistrée l’an passé, cette hausse signe un certain retour en grâce de la « plus belle avenue du monde », récemment animée par plusieurs ouvertures et transactions significatives (Marks and Spencer, Levi’s ou encore Banana Republic). D’autres projets pourraient se concrétiser dans les prochains mois et pousser encore la valeur locative prime des Champs-Elysées à la hausse. De fait, « la reprise économique, même fragile, l’essor du tourisme dans la capitale et la réduction du nombre d’opportunités disponibles aiguisent l’appétit de grandes enseignes internationales déjà présentes à Paris ou désireuses de s’y implanter. Cette évolution ne se limite pas aux Champs-Elysées, d’autres quartiers de la capitale demeurant très attractifs pour les enseignes (Opéra/Madeleine, Le Marais, Boulevard Saint-Germain, etc.). Elle ne se limite pas non plus au seul secteur du mass-market. Boosté par l’inauguration de nouveaux palaces, le marché du luxe, au travers de nombreuses ouvertures, comme Chloé rue Saint-Honoré, ou de la poursuite de la montée en gamme des grands magasins, apparaît ainsi comme l’un des grands gagnants de la sortie de crise » selon Christian Dubois.

Les principales artères d’Europe bénéficient, comme en France, de l’intérêt de grandes enseignes désireuses d’y poursuivre leur expansion. Le Vieux continent enregistre ainsi une évolution générale positive de ses valeurs locatives prime (+ 1,9 %) et rompt avec deux années de baisse. Tirant parti de la robustesse de la croissance économique locale, quelques artères ont connu une hausse à deux chiffres, notamment en Allemagne (+ 18,2 % sur la Tauentzienstraße à Berlin), en Russie (+ 25 % sur la Perspective Nevski à Saint-Pétersbourg) ou en Turquie (+ 22,4 % sur la Bagdat Caddesi). L’ampleur de la crise traversée par certains pays continue en revanche de peser sur l’évolution de plusieurs marchés, comme Grafton Street à Dublin (- 7 %), passée du 5ème au 15ème rang mondial entre 2008 et 2011, ou comme la rue Ermou à Athènes (- 11,4 %), qui a reculé de la 11ème à la 22ème place sur la même période. Dans un environnement économique encore très incertain, l’Europe présente donc un visage très contrasté et affiche des performances encore bien en-deçà de celles d’autres régions du monde.

Les pays émergents se distinguent à nouveau de la plupart des marchés établis, et des pays européens en particulier, par l’ampleur de la hausse des valeurs locatives de leurs principales artères commerçantes. L’augmentation sur un an est ainsi de 12,2 % en Asie-Pacifique et de 10,6 % en Amérique du Sud, notamment soutenue par quelques progressions impressionnantes en Chine (+ 109,5 % sur Wangfujing à Pékin) et au Brésil (+ 52,2 % sur la rue Garcia d’Avila à Rio de Janeiro). « De façon générale l’essor du tourisme, la hausse soutenue de la consommation et l’appétit d’une classe moyenne toujours plus importante pour de nouveaux formats commerciaux soutiennent la demande des grandes enseignes internationales pour les meilleurs emplacements des pays émergents. Dans un contexte de grande rareté de l’offre de qualité, les loyers augmentent en outre d’autant plus rapidement que le marché du luxe connaît un véritable boom, en Chine, en Inde ou dans certaines villes d’Amérique du Sud » explique Christian Dubois.

Une nouvelle progression importante et généralisée des loyers des grandes artères commerçantes mondiales paraît désormais moins certaine. Illustrés par l’exacerbation récente de la crise de la dette souveraine, les risques de ralentissement de l’économie mondiale sont de fait bien réels et pourraient peser sur le marché de l’immobilier de commerces, aux Etats-Unis et en Europe en particulier. En Europe, les objectifs d’assainissement des finances publiques devraient ainsi, avec l’adoption de nouvelles mesures d’austérité, peser sur le pouvoir d’achat des ménages, et sapant la confiance des consommateurs, assombrir les perspectives des enseignes. Toutefois « deux éléments nous permettent de rester optimistes. Le luxe demeurera une « valeur refuge » et l’un des principaux facteurs de croissance des valeurs locatives dans les mois à venir, dans les pays développés comme dans les BRICS (Brésil-Russie-Inde-Chine). Par ailleurs, les prochains mois ne démentiront pas l’attractivité d’emplacements prime encore rares et toujours très recherchés par des enseignes à la recherche de la meilleure visibilité » conclut Christian Dubois.

Le Top 10 des pays aux artères commerçantes les plus chères du monde en 2011

2011 Pays Ville Rue €/m2/an Evolution annuelle (%)
1 Etats-Unis New York 5e Avenue 16,704 +21,6
2 Chine Hong Kong Causeway Bay 14,426 +16,7
3 Japon Tokyo Ginza 7,750 +8,7
4 Australie Sydney Pitt Street Mall 7,384 +33,3
5 France Paris Champs-Elysées 7,364 +5,3
6 Royaume-Uni Londres New Bond Street 6,901 +4,3
7 Italie Milan Via Montenapoleone 6,800 +0,0
8 Suisse Zurich Bahnhofstrasse 6,553 +0,0
9 Corée du Sud Séoul Myeongdong 4,714 +0,6
10 Allemagne Munich Kaufingerstrasse 3,960 +6,5

Source : Cushman & Wakefield

Valeur locative et décapitalisation des prix de cession

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Ayant retenu que le bailleur citait des références de valeurs locatives reposant sur une méthode intégrant la décapitalisation du droit au bail et n’établissait pas que les sommes qui avaient été versées au précédent locataire, et non aux bailleurs, correspondait à des suppléments de loyer et que la méthode qu’il proposait n’intégrait pas le caractère d’immobilisation du droit au bail que le locataire pouvait récupérer lors de la vente de son fonds, la cour d’appel a souverainement fixé la valeur locative des biens donnés à bail sans retenir cette méthode.

Par cet arrêt, la Cour de cassation apporte une précision sur les critères d’appréciation de la valeur locative énoncés par l’article L 145-33 du code de commerce dans le cadre du renouvellement d’un bail.

L’article R 145-7 du même code ne permet pas de déterminer si l’élément de comparaison de la valeur locative doit être constitué par le seul loyer effectivement payé par le preneur, et s’il faut également prendre en compte le droit d’entrée initialement versé ou l’incidence de prix de cession du droit au bail.

Cette question fait l’objet d’importantes controverses, même s’il est admis que la fixation du loyer du bail renouvelé doit prendre en compte les loyers de marché, les loyers de baux renouvelés amiablement et les fixations judiciaires.

Un bail peut naturellement prévoir les modalités d’appréciation du loyer de renouvellement, qui peut donc conventionnellement tenir compte des seuls prix de marché, mais la loi ignore l’existence d’une valeur locative de marché et d’une valeur judiciaire.

Les critères d’appréciation de la valeur locative relèvent du pouvoir souverain du juge du fond qui adopte le mode de calcul qui lui paraît le plus approprié, tandis que certains experts intègrent dans les éléments de référence de la valeur locative la décapitalisation des prix de cession de droit au bail, et ce en sus du loyer conventionnellement prévu.

Dans cette espèce, le bailleur avait fourni des références de valeurs locatives selon la méthode intégrant la décapitalisation du droit au bail, faisant dès lors apparaître des prix très supérieurs à l’estimation expertale.

La cour d’appel avait rejeté cette démarche au motif que le bailleur ne pouvait établir que les droits au bail de ces références correspondaient à des suppléments de loyer alors que l’expert avait relevé que les sommes avaient été versées au précédent locataire et non au bailleur, la méthode proposée n’intégrant pas le caractère d’immobilisation du droit au bail que le locataire peut récupérer lors de la vente de son fonds.

La Cour de cassation rejette le pourvoi du bailleur en soulignant que la cour d’appel avait souverainement fixé la valeur locative sans retenir la méthode proposée par le bailleur.

Le fait d’intégrer la décapitalisation des prix de cession de droit au bail appelle nécessairement des réserves lorsqu’il s’agit de déterminer la valeur locative de renouvellement, même si cette démarche paraît admissible lorsqu’il s’agit de calculer la valeur du droit au bail dans le cadre de l’appréciation de l’indemnité d’éviction.

En l’état de cet arrêt, on doit donc considérer que la prise en compte par décapitalisation du prix de cession ne correspond pas aux modalités de fixation de loyer telles qu’elles découlent des critères imposés par l’article R 145-7 du Code de commerce  (Cass. 3e civ., 31 mai 2011, n° 10-18662).

AUTEUR

Charles-Edouard Brault – Avocat à la Cour – Cabinet Brault Associés

Le TGI multiplie par cinq le loyer du magasin Printemps à Lyon

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ANF Immobilier société foncière cotée contrôlée par Eurazeo, a indiqué hier soir que le tribunal de grande instance (TGI) de Lyon avait rendu un jugement dans le litige l’opposant au Printemps de Lyon :
« dans le cadre de la fixation de la valeur locative des locaux [lui] appartenant et occupés par la SAS Printemps à Lyon, le Tribunal de grande instance de Lyon a rendu son jugement en premier ressort dont les principaux éléments sont les suivants : le montant du loyer est fixé à 2 135 650 € contre 402 197 € aujourd’hui ; le nouveau loyer prend effet au 25 juin 2006 ; le montant est à majorer des intérêts de retard sur la période ; le tribunal ordonne l’exécution provisoire » .
Le magasin Printemps, situé au 42, rue de la République à Lyon 2e, développe environ 10 000 m².

Commentant cette annonce, les analystes d’Aurel BGC parlent d’une “très bonne nouvelle” puisqu’ils attendaient une décision plus tardive et une revalorisation inférieure. C’est près de 10 millions d’euros d’arriérés de loyers que le groupe devrait encaisser, intérêts de retard compris. En outre, la hausse de ventes qui s’ensuivra ne s’accompagnera d’aucune progression de charges.

“Si on capitalise ANF sur la base d’un multiple de 12 fois l’EBITDA et en tenant compte des 10 millions d’arriérés de loyers, cette nouvelle est créatrice d’environ 30 millions d’euros de valeur chez ANF, soit plus de 1 euro par titre”, calculent les spécialistes qui conseillent la valeur à l’achat et visent toujours 40 euros.